Vestiges de l'automne (Les)
En 1989, le lecteur francophone découvrait avec fascination A la fin de l’hiver, puis, l’année suivante, La Reine du printemps, les deux premiers volumes de ce qui allait devenir une trilogie, la plus vaste entreprise de l’auteur depuis le Cycle de Majipoor. Las, le troisième livre ne parut pas, à la plus grande consternation des amateurs du Maître.
Et voici l’explication, vingt ans après. Elle semble toute simple et prosaïque. Silverberg a eu un différend avec son éditeur quant à la suite de l’intrigue entamée. Ainsi qu’une offre financière qu’il décrit comme ’insultante’. Du coup, il a enterré le projet : « Il est évident qu’il ne verra jamais le jour, pas aussi longtemps après la parution des deux premiers volumes ». Voilà qui décevra immensément, bien sûr, car il s’agissait d’un vrai grand et beau chef-d’oeuvre, d’une vision prodigieuse digne du plus grand Silverberg. Il explique ensuite que, il y a quelques temps, il a repris le synopsis de la troisième partie du cycle, qui se serait intitulée L’Eté du Grand Retour, et l’a utilisé pour le récit Les Vestiges de l’automne que voici.
Les 115 pages de cette nouvelle seront donc tout ce nous pourrons lire encore de cette histoire d’un futur inimaginable. Souvenons-nous : suite à une chute de comètes, les humains ont survécu durant 700.000 ans dans un ’cocon’ souterrain. D’autres races ont été créées, qui rencontreront, au grand réveil, les Hijks, insectoïdes intelligents s’étant adaptés aux nouvelles conditions. Au cours du petit récit que voici, nous assisterons à un événement bien particulier de la vie du ’Peuple’, ces nouveaux humains qui dominent la Terre de cet avenir lointain : celle de la découverte de survivants de l’une des races créées à l’époque. Il s’agit de créatures amphibies, les « Seigneurs-de-la-mer ». Hélas, ils sont totalement dégénérés et n’aspirent plus qu’à leur propre extinction.
Note nostalgique et quelque peu désenchantée d’un écrivain profondément humaniste, le texte est beau et émouvant. Dans un addendum, Siverberg livre le résumé de ce qu’il n’écrira jamais, ce fameux synopsis qui, faute de mieux, alléchera les aficionados. On y lira entre autres que les ’Vrais Humains’ se sont exilés dans les étoiles, reviennent sur Terre, puis repartent, laissant le ’Peuple’ à sa propre destinée. Ce synopsis est par ailleurs donné en version anglaise originale et en traduction. Le lecteur restera un peu sur sa faim. J’espère que le grand Silverberg a eu d’autres raisons que mercantiles pour laisser l’oeuvre ainsi inaboutie.Tel quel, cet opuscule est incontournable pour tous les admirateurs de l’écrivain, évidemment. Mais il n’est que le... vestige d’un rêve évanoui. Signalons la chaleureuse et très pertinente préface de Gérard Klein.
Robert SILVERBERG, Les Vestiges de l’automne, couv. Manchu, traduction J. Dolisi, F. Dolisi et E. Holstein, ActuSF Ris-Orangis 2010, 177 p., 10 €.