Littérature

Je n’aurais pas cru que cela m’arriverait, de quitter en cours de lecture un livre de Christopher Priest, mais c’est fait. Parce que, même si j’étais averti par une interview, ce n’est qu’à la page 92 que j’ai compris que le livre était entièrement bâti sur un mensonge conspirationniste, sur la conviction fallacieuse que les Twin Towers ont été sciemment détruites non par les avions, mais par des explosifs puissants.

Présenté comme le récit que fait à un jeune soldat de la République le noble qu’il est venu arrêter, dans un fortin côtier de Basse-Bretagne, c’est en fait le récit d’une descente en enfer, le voyage à travers l’île de Terre-Neuve d’une troupe de survivants d’un naufrage, traqués par des monstres. C’est aussi l’histoire d’une vengeance, ou plutôt de trois vengeances qui s’entremêlent, comme nous l’apprendrons à la fin, lors des révélations finales. Mais le Widjigo, l’arme de la vengeance, est aussi affamé de détruire ceux-là même qui le servent...  

Après deux livres que j’ai adorés, en voici un troisième dont je ne peux pas ne pas signaler les déceptions qu’il me vaut. Le thème n’est pas nouveau, mais cela n’est absolument pas un problème, parce qu’il se prête à une quantité de possibilités de variations et d’innovations : c’est la quête par une sœur de son jumeau disparu sur une planète inexplorée, en l’occurrence Jupiter.

Bien que techniquement roman fantastique, ce jeu de paradoxes temporels, histoire de trois jeunes délinquants japonais pris dans un tourbillon de paradoxes puisqu’ils reçoivent des messages venus du passé et y répondent, est une petite merveille de roman bienveillant, touchant (il y a longtemps que je n’avais pas versé des larmes sur une lecture) et profondément humaniste, autour d’une mécanique qui mélange les destinées de plusieurs personnes autour du Bazar et du Foyer d’orphelins proches...