Les sociétés postcataclysmiques
Lorsque l’on évoque la notion de cataclysme, on pense tout de suite à une destruction massive, une razzia gigantesque. On songe à une catastrophe chimique, bactériologique, nucléaire, à une véritable fin du monde.
Pour René Barjavel en 1943, une panne d’électricité de grande ampleur peut, à elle seule, engendrer un chaos aux conséquences énormes. C’est ce qu’il décrit dans son roman « Ravage ». Privé d’électricité, d’eau, de chauffage, de confort, devant faire face au déclin soudain du « progrès », un groupe d’individus quitte la ville, direction la campagne. Ce ne sera pas une petite promenade de santé, mais au contraire une véritable quête initiatique, un voyage au bout de soi-même. Et pour ceux qui arriveront à destination, une rupture définitive avec la vie d’avant. Barjavel, il faut le dire, s’adonne à un véritable plaidoyer contre les dangers d’un progrès élevé au rang de culte. Et de la rupture naîtra une sorte de monde assez semblable aux communautés hippies des années 1970, basé sur un retour à la terre, et dans lequel toute forme de modernisme est suspecte. Aussi, lorsqu’un jour apparaît une sorte d’engin agricole pourtant très rudimentaire, que l’on croirait tout droit sorti avant l’heure d’un roman de « steampunk », la hantise de la grande panne électrique et d’un mode de vie basé sur un modernisme effréné ressurgit, et la réaction est vive. Mais que ferions-nous si une panne d’une grande ampleur se produisait et durait ?
En 1948, Stanley Weinbaum voyait les choses différemment. Dans son roman « La flamme noire », nous assistons à l’écroulement de la civilisation suite à une guerre à la fois atomique et bactériologique. Tout le monde retombe dans un « Moyen Âge » qui ne peut être que ténébreux. Mais dans ce roman, le dicton « chasser le naturel, il revient au galop » est vérifié, puisque peu à peu on retrouve les anciennes sciences, on gagne même de nouvelles connaissances, et l’on découvre le secret de l’immortalité. Mais on s’aperçoit que ce qui pourrait être alors un renouveau n’est qu’une répétition du passé.
Je supposais précédemment une importante panne électrique comme dans « Ravage ». Mais imaginons, et c’est ce qui est programmé, la fin du pétrole. C’est justement le point de départ de « Mad Max ». Dans le premier film (1979) de la trilogie, ce phénomène induit une révolte parmi les populations et l’avènement d’un véritable ordre barbare qui n’ira qu’en s’accentuant. Dans les autres films, avec en prime une guerre nucléaire, on s’enfoncera dans la régression et la violence. Mais tout cela ne devient-il pas réalité ? Avec les violences urbaines et de toutes autres sortes, « Mad Max » n’est-il pas à nos portes ?
Et tant qu’à faire dans le postcataclysmique, on peut imaginer la planète vidée de ses habitants, sauf un, ou plutôt une. C’est le cas dans la BD de Paul Gillon datant de 1985. Une jeune femme, revenant d’une expédition sous-marine, s’aperçoit qu’elle est la seule survivante d’une guerre atomique. Elle retourne à Paris où elle s’installe dans ce qui reste de l’hôtel Crillon. Alors commence pour elle une vie de survivante dans un univers cybernétique, et la nature reprenant ses droits, c’est avec le robot Ulysse, une parfaite machine issue des technologies les plus avancées, qu’elle satisfait ses besoins les plus originels. Mais un jour, se pointe cette fois-ci un survivant, bien humain. Et l’on découvre avec un certain effroi ce qui lui arrive dans un monde résolument « cyberpunk ».
On peut émettre des hypothèses sur ce qu’il adviendra de la planète après un cataclysme. Aux catastrophes d’antan s’en sont ajoutées de nouvelles, et notamment climatiques. Que deviendra la planète en cas de réchauffement extrême, ou au contraire en cas de glaciation incontrôlable ? Que deviendront ses habitants ? Survivront-ils, ou du moins partiellement ? Alors que le feu nucléaire est toujours aussi menaçant, que le climat se dérègle, que les sources énergétiques deviennent rares, le chaos est peut-être pour demain. Sans complaisance, et sans tabou, les littératures de l’imaginaire peuvent se pencher dans l’urgence sur le problème.
Pour ce thème, à conseiller :
« Ravage » de René Barjavel - Gallimard Poche.
« La flamme noire » de Stanley Weinbaum. - toutes éditions disponibles.
Le DVD de « Mad Max » de George Miller (1979).
La BD « La survivante » de Paul Gillon (1985) - Éditions Albin-Michel, collection l’Écho des Savanes.
Décembre 2006
Commentaires
Les sociétés postcataclysmiques
Pour information, Stanley Weinbaum est mort en décembre 1935 et si "The Black Flame" qu’il a écrit entre 1934 et 1935 n’a été publié qu’en 1939, "Dawn of Flame" qui correspond à la première partie de l’édition du Rayon Fantastique a été écrit en 1934.