Diable en gris (Le)

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Tout commence sur les chapeaux de roues dans ce nouvel opus de Graham Masterton. Un jeune couple se fait cisailler dans sa demeure de Virginie – l’action se déroule à Richmond - par un assaillant invisible qui laisse la femme décapitée et le mari en train de se vider de son sang. La police se révèle incapable de relever la moindre empreinte digitale sur les lieux du crime. L’arme ayant servi à taillader le couple, quant à elle, semble s’être tout bonnement évaporée. Seule témoin de l’incident, Sandra, une adolescente trisomique, affirme avoir aperçu un « Homme Très Effrayant » vêtu de gris, armé d’une épée, sortir de la maison juste après le méfait accompli...

Decker McKenna, le lieutenant chargé de l’enquête, n’a toujours pas fait le deuil du meurtre de sa femme, Cathy. Cette dernière, ou plus exactement son fantôme, vient bientôt l’avertir qu’il court un grave danger. Mais Decker n’a guère le temps de se préoccuper de ces sombres prédictions car un second homicide, suivant le même mode opératoire que le premier, est bientôt commis sur la personne d’un ancien major de l’armée américaine, sans lien apparent avec le premier crime.

Durant la Guerre de Sécession (1861-1865), Richmond n’était autre que la capitale du gouvernement des Etats Confédérés d’Amérique. C’est sur cette base que l’enquête s’oriente rapidement, en direction d’une mystérieuse « Brigade du diable » ayant sévi un temps sur la ligne de front, durant la bataille du Wilderness, manquant de faire pencher la balance en faveur du Sud en multipliant les abominations. Cette brigade était le fruit d’une alliance contre nature entre les troupes sudistes et les adeptes de la religion Santeria, variante du culte yoruba importé d’Afrique dans les cales des négriers par les esclavagistes. Des volontaires de la brigade ont accepté de se laisser posséder par des « orishas » (des divinités) de la Santeria afin de se voir doter de pouvoirs surnaturels. Mais l’un d’entre eux, passablement déséquilibré à la base, possédé par le terrible Chango, dieu de la guerre, du tonnerre et du feu, n’a pas été capable de limiter ses excès. Ses collègues se sont donc résolus à le mettre hors d’état de nuire. L’individu en question, toujours habité par le redoutable orisha, semble désormais bien décidé à faire payer les descendants des hommes l’ayant enfermé dans une caisse de plomb durant plus de cent ans...

Afin de lutter contre la cavale sanglante de cet ennemi invisible, Decker va devoir s’allier avec la meurtrière de sa femme, Reine Aché, plus haute représentante de la Santeria à Richmond. Il va mener l’enquête avec la plus grande détermination... ses propres jours étant comptés, son ancêtre ayant en effet participé à l’enfermement du soldat sudiste durant la guerre civile américaine !

Masterton déploie tout son savoir-faire pour nous convier aux multiples rebondissements de l’enquête menée par ce détective contraint de composer avec des forces surnaturelles dépassant l’entendement. Il en profite pour nous initier à un culte méconnu, la Santeria, qui confère au récit une ambiance digne « d’Angel Heart » : poulets qu’on offre en sacrifice aux divinités tutélaires, invocations à même de rendre quiconque les prononce invisible aux yeux d’autrui, etc. Alors pas de soucis, l’affaire est rondement menée, comme à l’accoutumé chez cet auteur.

Il manque toutefois un petit quelque chose à ce roman, un petit rien qui le rendrait absolument mémorable. L’impression qui ressort de sa lecture, en effet, c’est que Masterton s’est contenté d’appliquer une méthode bien rodée, sans véritablement chercher à mener son récit hors des sentiers balisés. Il serait d’ailleurs fort aisé de le porter à l’écran en l’état, tant son déroulement suit les points de passage obligés de tout thriller horrifique qui se respecte, sans jamais prendre le contrepied de nos attentes.

Mais ne boudons pas notre plaisir. « Le Diable en Gris » demeure prenant de bout en bout, et jamais les limites évoquées ci-dessus ne viennent nuire au plaisir que l’on ressent en le parcourant. Ce roman n’apporte donc rien de fondamental au genre au sein duquel il se déploie, mais il ne lui fait pas honte pour autant, loin de là.

Graham Masterton, Le Diable en Gris, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par François Truchaud, 378 p., Milady

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