Descendance

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Le nouveau roman de Graham Masterton fait montre d’une efficacité narrative peu commune. Sur le thème archi-classique de la chasse aux vampires, l’auteur écossais construit un suspense qui ne vous laisse pas souffler une seule minute, et ce de la première à la dernière page de l’ouvrage. Son style - dénué de fioritures, avant tout basé sur les dialogues et sur l’action, très peu sur les descriptions – se révèle extrêmement vif. Il confère à « Descendance » un rythme soutenu qui ne faiblit à aucun moment.

Tout commence en 1943, aux Etats-Unis, quand deux militaires en uniforme débarquent chez un certain James R. Falcon, auteur d’une thèse intitulée : « Les Strigoï : mythe contre réalité dans les traditions populaires en Roumanie ». Alors que Falcon pensait faire œuvre humoristique en rédigeant cette étude, les services du renseignement américain, en guerre contres les Nazis en Europe, la prennent en revanche très au sérieux. Il semblerait en effet que les Allemands aient passé un accord secret avec les forces roumaines afin de se procurer quelques vampires (« Strigoï » en roumain, ou « Screechers » en anglais) pour les aider dans leur lutte contre les diverses Résistances nationales auxquelles ils se heurtent sur plusieurs fronts. La recherche de Falcon le transformant sans qu’il le sache en spécialiste mondial de la question, c’est lui qu’on envoie sur le front belge afin de débusquer et d’éliminer l’engeance suceuse de sang.

Il se retrouve ainsi à Anvers, en 1944, flanqué d’un maître-chien et de son limier, lancé aux trousses d’un redoutable ennemi portant le nom de Dorin Duca, à la trouble beauté (« une Marlène Dietrich en homme », lui dira-t-on). Son équipement : une mallette contenant une Bible, une flasque d’eau bénite, une boussole en argent, des clous issus de la Crucifixion, des gousses d’ail… L’attirail classique du parfait chasseur de vampires, en somme.

Falcon n’hésite pas à se montrer particulièrement dur dans sa traque des divers « strigoï mortii » (qui propagent l’infection) et autres « strigoï vii » (contaminés, mais toujours vivants). Il recourt ainsi volontiers à la torture pour les faire cracher les refuges où se terrent leurs semblables, refusant à ces êtres le qualificatif de « personnes » : il les réifie complètement, ce qui lui évite d’avoir ensuite à se poser des questions d’ordre moral à leur sujet.

Toutefois, alors qu’il est finalement sur le point de mettre la main sur Duca, un V2 tombé du ciel rase le bâtiment dans lequel il se cachait, mettant ainsi un terme à l’action de Falcon sur le vieux continent…

Jusqu’à ce jour de 1957 où deux nouveaux hommes en uniforme, issus du contre-espionnage américain, font irruption chez lui pour l’informer qu’il est temps de reprendre du service. Suite à une opération ratée de rapatriement aux Etats-Unis du corps capturé de Duca (visant à conserver l’avantage dans la compétition s’ouvrant avec le nouvel ennemi communiste…), l’avion s’étant malencontreusement écrasé, une épidémie de vampirisme s’est déclarée dans la banlieue sud de Londres. Falcon est rapidement dépêché sur place afin de juguler au mieux le fléau à sa source. Les tueries se multiplient dans le sillage de Duca, et les hommes du MI-6 (les services de renseignements britanniques) maquillent cela du mieux qu’ils peuvent en poussées de « grippe coréenne », histoire de ne pas trop affoler l’opinion publique.

Accompagné d’un nouveau maître-chien – la ravissante Jill Foxley, dont il ne tarde pas de s’amouracher – Falcon se lance à la poursuite de Duca avec une détermination sans failles. On lui a révélé, en effet, que c’est sa mère qui l’avait capturé en 1944 avant de périr dans le crash de leur avion. Le choix du titre de ce roman n’est donc pas complètement anodin…

Plusieurs choses concourent à rendre haletant ce nouvel opus de Masterton. Le choix des lieux et de l’époque où se déroule l’action, pour commencer. Que ce soit en Belgique occupée, sur le point d’être libérée, ou en Angleterre durant les années cinquante, le cadre est original et sort des sentiers battus. De plus, l’effet-miroir ainsi réalisé entre une zone dévastée, en guerre, et une autre en apparence calme et sans histoires, nous offre presque deux romans en un. Le côté « commando anti-vampires » de Falcon et ses collègues, qui n’est pas sans rappeler l’attitude du groupe dépeint par John Carpenter dans « Vampires », donne pour sa part du punch au récit. La chasse au fauve se déroule à toute allure, et il s’agit d’aller vite pour restreindre au maximum les risques d’infection. Mais l’aspect le plus intéressant de l’intrigue concerne la relation particulièrement intense qu’entretient Falcon avec les « Screechers » qu’il traque. Il s’apercevra in fine que l’on ne haït jamais mieux que ceux qui nous sont le plus proche…

Un très bon roman, donc, pas du tout révolutionnaire, mais franchement efficace.

Graham Masterton en interview sur Phénix !

Graham Masterton, Descendance, 334 p., Bragelonne

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