Je sais pas

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Je ne lis pas souvent un polar, préférant la science-fiction, la littérature ou la BD, voire la vulgarisation scientifique. Et quand j’en lis, c’est davantage des auteurs comme Chandler, Hammett, Spillane ou Manchette qui me mobilisent.

Il était donc nécessaire de corriger une lacune vis-à-vis des auteurs contemporains qui écrivent du polar, et en particulier par rapport à une auteure belge que j’ai rencontrée à plusieurs reprises. Je parle de Barbara Abel. C’est l’événement culturel et littéraire le Boulevard du polar, en parallèle au BIFFF qui a été le déclencheur de cette lecture et de cette chronique.

Avec Je sais pas de Barbara Abel, je m’attendais à une histoire pas cousue de fil blanc, qui allait m’emmener dans un sujet cent fois raconté sous forme de série B télévisée. Eh bien non ! Si ça commence bien comme une histoire de petite fille qui s’égare dans la forêt à l’insu de ses professeurs, puis qui est rapidement retrouvée, le reste de l’histoire peut surprendre le lecteur.

On découvre Émilie, une petite fille de cinq ans, qui derrière un visage angélique est un vrai démon. Elle n’hésite pas à faire croire que sa maîtresse est méchante avec elle. De plus, Émilie ne s’entend pas avec ses petits copains à l’école. Lors d’une sortie en forêt avec 75 enfants et leurs professeurs, elle va suffisamment montrer sa mauvaise foi pour que les professeurs la changent de groupe d’enfants. Un échange est fait dans le groupe de Mylène son institutrice. Émilie quitte le groupe pour un autre, tandis que Mylène récupère un enfant de l’autre groupe. Et que vont faire les enfants en petit groupe ? Construire des cabanes. Un concours de cabane est donc l’activité principale de cette sortie scolaire.

C’est l’occasion pour Émilie de s’échapper et s’enfoncer dans la forêt sans rien dire à personne. Et ce n’est qu’après un certain laps de temps, quand les instituteurs doivent recenser les enfants, qu’ils constatent la disparition d’Émilie.

L’écriture de Barbara Abel est fluide et l’histoire tellement évidente qu’on se dit qu’on va rapidement arriver à la fin du récit de petite fille fugueuse. Mais en nous présentant chaque personnage, on a une autre image de l’histoire.

Mylène l’institutrice est diabétique et part à la recherche d’Émilie sans avoir pris sa dose d’insuline. Étienne, le père de Mylène, a un passé violent. Il est aussi diabétique et est l’amant de Camille, la mère d’Émilie. Camille trompe son mari Patrick et pète les plombs lorsque sa fille fugue ou ne lui raconte pas ce qui s’est réellement passé. Et puis Patrick, le père d’Émilie, professeur, qui en sait plus que ce qu’on pense et a des avis trop tranchés vis-à-vis de sa femme.

Si Émilie est rapidement retrouvée, il n’en est pas de même pour Mylène qui est partie à sa recherche avec d’autres professeurs. Retrouver la petite fille dans un trou, la libérer et être soi-même coincé dans ce même trou ressemble à un cauchemar, surtout pour une diabétique qui a laissé sa dose d’insuline auprès d’une collègue qui garde les enfants.

Chacun des acteurs de ce roman a suffisamment de raisons pour vouloir connaitre la vérité ou de tout faire pour que les autres ne sachent rien de ce qui s’est passé. Questionner Émilie sur sa fugue n’a rien d’évident. Ni pour la mère ni pour les policiers qui doivent résoudre l’affaire. Et lorsque ces derniers découvrent que le foulard au bras d’Émilie appartient en fait à Mylène et que cette dernière n’est pas revenue, l’enquête prend une tournure qui n’a plus rien à voir avec une simple fugue d’une enfant capricieuse. C’est une course contre la montre qui s’engage pour retrouver l’enseignante qui risque de mourir si elle n’est pas soignée rapidement.

Le roman prend alors une direction inattendue pour le lecteur et reste très captivant. Les desseins de chacun seulement dévoilés aux lecteurs permettent de se rendre compte que chaque acteur de cette histoire n’est pas aussi net qu’il le montre. Je dirais même que la surprise attend le lecteur lorsqu’il apprend les intentions de l’un d’entre eux.

Au fur et à mesure de la lecture de ce roman, les différents personnages étaient de plus en plus classés dans le tiroir des mauvais. C’était aussi le cas pour les victimes. Seuls les policiers semblaient faire exception à la règle.

En fait, c’est un très bon polar, avec une intrigue bien distillée au fil des pages, où Barbara Abel nous mène en bateau pour nous surprendre jusqu’à la dernière page.

En lisant Je sais pas, j’ai douté des personnages et de l’auteure. En finalité, j’ai adoré ce livre. Ce qui m’a incité à prévoir la lecture du suivant. Je sais une chose : Barbara Abel est une excellente auteure de polar, et je ne vais pas en rester là dans ses romans.

 

Je sais pas, Barbara Abel, 2017, Pocket, 440 pages, illustration Rysk.

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