Énigme du cadran solaire (L')

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C’est le premier livre que je lis de Mary Gentle et ma déception est à la hauteur de mes attentes. Je ne sais pas si le Livre de Cendres me consolera.

D’abord, parce que le caractère précis du livre ne me paraît pas certain : est-ce une uchronie qui décrirait une histoire parallèle proche de la nôtre ou est-ce un récit d’« histoire secrète » imaginant un événement qui aurait pu avoir lieu sans que cela affecte l’histoire officielle ? Cela n’est pas vraiment une question essentielle et d’autres romans réussis restent ambigus sur ce classement.
Ensuite, et là c’est plus grave, parce que présenter le récit comme les Mémoires retrouvées du narrateur, mémoires qui avaient servi de base à un roman, ne tient pas debout. Même avec les présentations intercalaires de documents d’autres origines, ce récit n’est pas le moins du monde rédigé comme le seraient des Mémoires : un auteur de Mémoires ne commencerait pas son récit au coeur de l’action et ne garderait pas pour la fin du récit la révélation de ses secrets antérieurs. L’intrigue est menée comme un roman, avec cliffhangers à certains sauts de chapitre : des Mémoires auraient un scénario complètement différent.

De plus ce roman est basé sur une hypothèse que je crois totalement ignorée des historiens, la direction du complot contre Henri IV, complot que certains ont envisagé, par la reine Marie de Médicis : toutes les réactions du narrateur (est-ce le même Rochefort que Dumas réutilisera dans Les Trois Mousquetaires ? L’intervention du futur Richelieu dans l’intrigue le rend possible) sont basées sur ce qui n’est plus une simple participation, mais la direction de cet assassinat par la future régente.

Enfin et pour parachever cette accumulation de défauts dans la vraisemblance de l’histoire, le personnage du narrateur, supposé avoir été depuis de nombreuses années l’espion attitré et permanent de Sully, est d’une maladresse et d’une stupidité lamentables et répétées, et prétendre l’excuser par le fait qu’il est tombé amoureux de la jeune fille déguisée en homme qui s’est attachée à le suivre ne suffit pas à excuser son incompétence répétée.

De fait tout le roman, même s’il permet de mélanger une étude de Londres et un voyage au Japon en 1610 avec une intrigue qui mêle mathématiques ésotériques et histoire secrète, et qui s’achève par une liste de biographies dont je n’ai pas eu le courage de vérifier qu’elles étaient valides dans notre fil historique, est amusant, mais la « suspension d’incrédulité » est vraiment mise à l’épreuve. Je ne détaillerai pas le dernier cas, sous peine de gâchage, mais certaines « révélations » de la fin du roman n’auraient jamais figuré dans les Mémoires de l’éventuel créateur d’une association secrète : leur publication aurait détruit le secret nécessaire.

D’un côté, pour quelqu’un qui s’est toujours intéressé à l’histoire de cette période, ce livre m’oblige à rafraichir et à étendre mes connaissances à son sujet.

De l’autre, si on laisse tomber toute exigence de vraisemblance, ce récit picaresque et drôle fait passer un bon moment au lecteur.

L’Énigme du cadran solaire par Mary Gentle, traduit par Michèle Charrier, couverture d’Alain Brion, ISBN 978-2-07-044122-8, Folio SF

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