Coulez mes larmes dit le policier

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Dans un futur à la fois proche et uchronique (du genre de ceux qu’affectionnent l’auteur), Jason Taverner est une véritable star de la télévision. Il revendique des millions de spectateurs à chaque émission quotidienne. Un soir, alors qu’il s’apprête à entrer chez lui, il est appelé par une de ses anciennes conquêtes qui le somme de le rejoindre. Arrivé sur place, il se fait littéralement agresser. Lorsqu’il se réveille le lendemain matin dans un hôtel miteux, avec son costume de la veille, une liasse de billets en poche, il n’a aucun souvenir de son arrivée là et plus aucun papier sur lui. Personne ne connait Jason Taverner. Son agent ne le reconnait plus, sa maîtresse non plus, et plus grave tout ce qu’il était semble s’être volatilisé. Taverner n’existe plus. Dans un état où la moindre incartade est passible d’une déportation en camp de travail, il va devoir trouver le moyen de s’en sortir, et surtout de comprendre comment il en est arrivé là.

Avec Coulez mes larmes, Dick s’attaque une nouvelle fois à ses thèmes de prédilection : une Amérique totalitaire, quasi dictatoriale, avec son refus des autres et de ceux qui ne se fondent pas dans le moule (le passage consacré au règlement imposé aux personnes de race noire est édifiant). Un rapport omniprésent avec la drogue, comme dans substance mort ou Ubik, une drogue ici capable de modifier les capacités cérébrales et de faire naître toute une série d’univers parallèles. Oeuvre de fiction, sans doute, mais aussi réflexion sur l’amour ou plutôt les relations, avec les personnages que le protagoniste croise tout au long du récit, depuis d’anciennes maîtresses qui peinent à être accompagnées, en passant par la jeune femme qui lui fournit des faux-papiers, qui ne vit que pour libérer son conjoint détenu en camp et qui le supplie pourtant de coucher avec elle. Et surtout, ce couple improbable formé par le général Buckman et sa sœur, couple fusionnel, elle prête à tout pour de nouvelles expériences, lui prêt à tout pour la protéger. Un couple incestueux et parent d’un enfant caché, et qui est à la fois la cause de la plupart des problèmes de Taverner mais aussi le deus ex-machina de l’histoire en quelque sorte, pour trouver une explication à ce qui lui est arrivé. Comme un écho aux réplicants, Taverner est un « six », une sorte de personnage amélioré génétiquement, ils sont peu nombreux dans ce cas, et son existence semble fasciner le général.

L’explication finale est un peu expéditive pour une œuvre moins dense si on la compare au Maître du Haut Château, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ou Ubik. Elle porte aussi les stigmates de la paranoïa de Dick, persuadé tout au long de sa vie d’être surveillé par les autorités ou le KGB. Mais un roman de Philip K. Dick reste toujours une plongée dans l’immense talent de l’auteur.

Je remercie les éditions J’ai Lu pour leur confiance.

Philip K. Dick - Coulez mes larmes dit le policier -Editions J’ai Lu - février 2022, 8€

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