Chute de la Maison des Flèches d’Argent (La)

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Commençons par signaler que le titre français présente plusieurs défauts graves à mes yeux. Même si le nom Ailes Brisées, qui, en France, appartient à une association d’entraide des pilotes d’avion, est réservé, il aurait dû être possible de conserver le mot « ailes », de ne pas introduire une notion différente avec celle de Flèches. Et pourquoi rajouter dès le titre un spoiler avec le mot « chute » ? Est-ce parce que Fleuve prévoit déjà de ne pas traduire les suites à venir pour ce roman à la fin ouverte ?

 

Ce roman se passe dans un univers de fantasy uchronique où, après une histoire presque semblable à celle du nôtre à part la présence sur Terre de Maisons féodales fondées, pour la plupart, par des Anges Déchus, une guerre entre les dites Maisons initiée en 1914 a arrêté tout progrès et désolé l’Europe, voire le monde et interrompu tout progrès, et même toute communication entre les pays. Vingt ans après la Grande Guerre, Paris n’est plus qu’un champ de ruines partagé entre les Maisons survivantes et les gangs, traversé par une Seine polluée habitée par des monstres nés de la magie des combats. Et une malédiction datant d’avant la Guerre, visant la principale des Maisons, celle des Flèches d’Argent, va être réveillée par un annamite survivant de la Guerre, plus jeune qu’il ne devrait...

 

C’est un monde de pure fantasy en ce qu’il prend au monde réel ce qu’il faut pour que nous le comprenions et aux légendes, européennes et vietnamiennes, un certain nombre d’idées, sans que la cohérence entre les sources soit réellement justifiée par une spéculation motivée. Les personnages sont tous assez caricaturaux, évoluant au fur et à mesure des besoins du récit. Philippe PhamVan Minh Kiet, le héros principal, a une pensée plus française que vietnamienne, même s’il est supposé incarner la sagesse vietnamienne dans ce Paris de folie. Séléné, la maîtresse de la Maison des Flèches, n’a de constant que son entêtement et son refus des réalités. Étoile-du-Matin, alias Porteur-de-Lumière, l’ancien meneur de la révolte et le fondateur de la Maison, joue le rôle d’une Arlésienne, même à son retour, et reste une marionnette sans la moindre profondeur. Asmodée, maître de la Maison Aubépine, multiplie les caprices et les changements d’humeur. Seule Isabelle, la nouvelle Déchue qui vient d’arriver, semble disposer d’une certaine capacité d’empathie et de réflexion.

 

Il est normal que, dans un roman qui se passe dans un autre univers, le narrateur ne prenne pas le temps d’expliquer au lecteur de notre univers, qui n’existe pas pour lui, tout ce qui caractérise sa réalité, et que le lecteur doive inférer les non-dits à partir des récits qui citent sans explications ou détails inutiles à leurs semblables les détails du cadre. Aliette de Bodard a évité les incises, souvent lourdes, de certains autres auteurs, qui aideraient à cette description de l’univers. Et, dans les limites du scénario, le lecteur sait à peu près tout ce qu’il faut. Comme écrit plus haut, il manque des réflexions en profondeur qui auraient justifié qu’un monde si différent du nôtre à la base vu l’intervention de Dieux – et pas seulement du Dieu chrétien – et d’êtres surnaturels, dans son histoire, ait eu une histoire si proche de la nôtre jusqu’aux débuts du vingtième siècle avec des bases si différentes. Le problème est le même que dans La croisée des mondes de Philip Pulman. Celui-ci a réservé un semblant d’explication pour le troisième volume de son roman. Gageons qu’Aliette nous réserve peut-être une surprise du même genre pour les suites de ce premier tome. 

La première suite est parue en anglais. Je la lirai sans doute avant qu’elle ne soit traduite.

 

La chute de la Maison des Flèches d’Argent par Aliette de Bodard, traduit par Emmanuel Chastellière, Fleuve Éditions, coll. « Outre Fleuve », 2017, 510 p., couverture d’Alexandre Chaudrel, 21€90, ISBN 978-2-265-11633-7

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