Mondes de Masterton (Les)
Après les enfants de Masterton, voilà que Marc Bailly nous propose les mondes de Masterton. Nouvelle anthologie qui rend hommage à l’auteur anglais de fantastique. Cette fois-ci, ce ne sont pas les vainqueurs du prix Masterton qui présentent les nouvelles, mais une kyrielle d’écrivains qui aiment l’auteur et les univers qu’il a créés. Il y a une certaine logique dans cette démarche entreprise par Marc Bailly et Rivière Blanche. Les deux livres consacrés à Masterton sont un pendant du prix du même nom. De plus, ils ont été faits avec la bénédiction de l’auteur. Que peut-on rêver de mieux ?
Lorsque j’ai entrepris la lecture des enfants de Masterton, je n’avais jamais lu le moindre livre de Masterton. Avec les mondes de Masterton, ma situation ne s’est pas améliorée, si ce n’est que la première anthologie m’a donné envie de lire la seconde. Lors de la lecture de certaines nouvelles, il y a des références qui m’ont échappées à cause de cette lacune. Je m’en excuse à l’avance.
Avec une préface de Marc Bailly, suivie d’une préface de Graham Masterton en personne, cette anthologie propose treize nouvelles inédites, qui vont emmener les lecteurs dans les univers et enfers de l’auteur britannique. Pour chaque nouvelle, Marc Bailly nous propose une brève description de l’auteur et donne à celui-ci la parole pour présenter sa nouvelle et le contexte dans lequel il l’a écrite.
Jean-Christophe Chaumette - Emet (Vérité)
Le professeur Serge Delacour est venu faire des recherches au Québec. Il est historien et ne croit pas à l’Holocauste. Ses théories négationnistes lui ont valu des déboires et seul un musée au Canada accepte de le laisser continuer ses recherches. Dans le musée, il va rencontrer un enfant qui va lui poser des questions indiscrètes et le mettre en difficulté. Cette rencontre lui sera d’ailleurs fatale.
Pas mal du tout ! Une bonne entrée en matière pour cette anthologie qui démarre sur les chapeaux de roue.
Estelle Valls de Gomis - Gimme Shelter
Doug et son fils adoptif Timmy, deux survivants, sont à la maison, cernés par des zombies. Doug est chevalier depuis plusieurs siècles, tandis que Timmy s’est réincarné à plusieurs reprises. Il est âgé de neuf ans et son père vient de lui donner Macuahuitl, une arme qui peut trancher les têtes des morts-vivants.
Histoire classique de morts-vivants et de vivants qui font tout pour éviter la mort. Estelle connait ses poncifs et nous propose une nouvelle qui pourrait très bien être une séquence d’un film de George Romero, ou être inspirée d’un livre de Stephen King. Les deux personnages s’en sortent et partent vers de nouvelles aventures. En tant que lecteur, on aimerait bien savoir lesquelles ? La seule critique à formuler, c’est que la nouvelle aurait pu être plus longue. Reste un texte agréable à lire, pour lequel il n’est pas nécessaire de connaitre la chanson des Rolling Stones.
Jess Kaan - Chute d’une damnée
Un tableau qui semble vivant attire l’attention d’un caporal pendant la Première Guerre mondiale. L’auteur de ce tableau va révéler une étrange histoire sur l’origine de celui-ci.
Histoire sombre et captivante qui rappelle la légende de Dorian Gray. Le caporal en question deviendra plus tard le plus grand bourreau du vingtième siècle, c’est-à-dire Hitler. Excellent.
Annette Luciani - La Maison amoureuse
En Corse, un inspecteur doit mener une enquête autour d’une histoire de rançon. Une vieille femme prétend être menacée si elle ne verse pas d’argent aux ravisseurs de sa fille.
Dès le départ, on est plongé dans l’ambiance fantastique de la maison hantée de cette vieille femme. Au fur et à mesure que l’enquête avance, on découvre que l’intrigue est plus complexe que prévu. Bravant les dangers, et avec un brin d’humour, l’inspecteur va démêler cette macabre histoire. J’ai beaucoup apprécié, surtout la fin où on découvre qu’on ne connaissait pas tous les tenants et aboutissant de l’histoire.
Franck Ferric - Le Serpent à Collerette
Univers carcéral ou milieu hospitalier. Sang et sexe, violence et langage châtié sont au menu de cette nouvelle racontée à la première personne. C’est davantage la relation entre un tortionnaire et sa victime qui est racontée ici. Après la première lecture, j’avais un avis négatif sur celle-ci, mais en la relisant j’ai changé d’avis et j’ai finalement bien aimé. De l’horreur dans toute sa splendeur et une fin qui fait Ssssshhhhh !
Freddy François - Le Mangeur de Rêves
Étrange histoire d’exorcisme mené par un prévôt et un dormeur contre le mangeur de rêves, une créature surnaturelle qui se nourrit des rêves des autres. Face à face entre le bien et le mal, dans lequel des vies sont sacrifiées. Le dormeur y laissera d’ailleurs sa peau. Ambiance glauque et sanglante pour une histoire très linéaire.
Christophe Collins - L’Ombre du Titanic
L’histoire nous ramène au début du siècle dernier. Pour se débarrasser d’un monstre, on fait couler le Titanic avec le monstre à bord. Histoire bien ficelée, qui met en avant un écrivain contemporain (Maxime Chattam), mais qui ne serait que l’hôte du monstre. Si j’ai trouvé l’histoire horrible (dans le bon sens du terme), je me suis aussi demandé pourquoi couler un tel bateau. À la limite, voler un chalutier ou n’importe quel bateau pouvant prendre la mer aurait fait l’affaire. Ceci dit, encore une excellente nouvelle dans cette anthologie.
Lucie Chenu - La Cité des Rebelles
Étrange histoire se passant à la fois à New York, rempli de démons, et dans une cité souterraine, un monde de fantasy où les femmes ne pensent qu’à se transformer en… autre chose. On passe d’un monde à l’autre, sans comprendre ce qui peut unir les personnages. Mais à la fin, on assiste au passage d’un monde à l’autre. Très belle nouvelle, très bien écrite, de Lucie Chenu.
Boris & François Darnaudet - La Voie des Yamabushi
En 1978, Nancy Shiranuka, une Japonaise, veut se faire exorciser. Pendant trois semaines, elle va rêver d’Oda, un lointain ancêtre qui était Ninja.
Comme je n’ai pas lu Tengu, et n’y connaissant rien en japonaiseries, je suis passé à côté du sujet. Peut-être qu’avec un dictionnaire français-japonais…
Brice Tarvel - Les Chiens Noirs
Un couple et leur fille roulent en voiture sur une petite route. Suite à une tempête et à l’apparition d’un chien noir, la voiture va avoir un accident, ce qui va les contraindre à suivre un vieux fermier dans sa maison. L’homme a trois chiens noirs très dangereux. Le couple va se rendre compte que l’homme n’a pas toute sa raison et que les chiens noirs sont immatériels. Après avoir pris la place du vieil homme, ils vont à leur tour ramener des personnes pour les terroriser.
Très bonne nouvelle, avec une ambiance glauque, un soupçon d’horreur, qui fait froid dans le dos. Brice Tarvel donne ici un des meilleurs textes de l’anthologie. J’ai adoré, car jusqu’à la fin il faut s’accrocher.
Michel Rozenberg - Metaplasia
Deux femmes meurent mystérieusement et une troisième est envoutée, possédée par quelque chose d’étrange. Ces trois femmes sont d’une manière ou d’une autre liées à un voyant qui s’intéresse à Manitou (livre que je n’ai pas lu). Une quatrième femme doit accoucher, mais pas d’un enfant…
Nouvelle gore, qui m’a fait penser aux nuits blanches que j’ai passées au BIFFF à regarder des films d’horreur. Un peu long, mais excellent, qui donne envie de lire Manitou. Le seul défaut de cette nouvelle, c’est le dialogue en anglais.
Patrick Raveau - Le Puits
Une petite fille parle à sa sœur jumelle qui est morte. Mais s’agit-il bien de sa jumelle ? Est-elle réelle ou imaginaire ? La fin de cette nouvelle est un peu trop prévisible, alors que le lecteur attend à être surpris par l’histoire. C’est bien écrit, mais c’est trop court.
Daniel Walther - Moisson de Chair
Dans cette nouvelle, on suit un détective privé poursuivi par la grande faucheuse. Sur son passage, des morts, du sang, du sexe. Une poursuite impitoyable où notre héros va se retrouver dans la peau du coupable.
Cette dernière nouvelle est excellente et termine en beauté l’anthologie.
Cette anthologie vaut la précédente. Je n’ai pas remarqué de différence quant à la qualité des textes. Je devrais même dire que cette anthologie est remarquablement bien équilibrée. Les treize auteurs nous emmènent bel et bien dans des contrées où notre perception des choses est altérée par des histoires plus fantastiques les unes que les autres. Le fantastique et l’horreur n’ont pas dit leur dernier mot et cette anthologie en est la preuve.
Les mondes de Masterton, anthologie dirigée par Marc Bailly, Rivière Blanche, 340 pages, 2012, illustration de Nick Tripiciano