Elric, les buveurs d'ames
Lectrices et lecteurs, le sujet de notre conférence du jour s’intitule : « Pas de pression ». Exemple par l’absurde : Fabrice Colin, auteur français de renom, relève le défi, avec l’aide d’un certain Michael Moorcock, d’offrir à l’approbation populaire un nouvel opus des aventures d’Elric, l’Eternel Champion Albinos et son épée maudite, Stombringer. « Pas de pression », on le disait. Toutes proportions gardées, exercice difficile pour le chroniqueur que je suis, amateur adolescent des œuvres de Moorcock et décidé, par honnêteté intellectuelle, de découvrir ces Buveurs d’Ames avec toute l’objectivité nécessaire. Autrement dit, chroniquer ce nouveau roman pour ce qu’il est et non pour ce qu’il représente dans le corps d’une œuvre pléthorique, complexe, populaire, épique et iconique. « Pas de pression », on le répète sans relâche.
Cette nouvelle aventure d’Elric se déroule donc quelque part entre "Tandis que rient les dieux" et "La citadelle qui chante", deux nouvelles éditées dans le recueil « Elric Le Necromancien ». On retrouve l’albinos dévasté par la mort, accidentelle ( ?) de sa chère Cymoril, déterminé à cesser de vivre en symbiose avec son épée buveuse d’âme. Afin d’assurer sa survie, sans recourir aux âmes bues par sa lame, Elric se lance sur les traces d’une plante mystérieuse qui ne fleurit qu’une fois par millénaire, au cœur d’une cité perdue.
Dès les premières pages, cette nouvelle aventure d’Elric impose une évidence : il faudra davantage compter sur les tourments intérieurs du héros que sur les grandes batailles épiques pour porter aux yeux du lecteur ce conflit perpétuel entre l’Ordre et le Chaos qui anime l’œuvre de Moorcock. Fabrice Colin semble plus à l’aise avec les descriptions contemplatives et les tergiversations de son héros valétudinaire qu’avec les hordes de créatures maléfiques et les exploits hors du commun. Relecture à peine déguisée du Heart Of Darkness de Conrad (et par là même étonnante décalque d’Apocalypse Now ) ces buveurs d’âmes déroule une narration lente et n’évite pas les redites… Au point parfois que l’on regrette que Fabrice Colin n’ait pas pris le chemin d’une écriture sous forme de nouvelles, forme où Elric prenait, paradoxalement, sous la plume de Moorcock, toute son ampleur. A sa sortie au milieu du mois de mai, cette aventure d’Elric fera sans doute couler beaucoup d’encre dans le monde de la Fantasy, mais en l’état, face à l’attente fébrile que j’ai pu détecter sur les divers forums, je crains que la déception l’emporte sur le plaisir chez de nombreux lecteurs.
Et pour en revenir à mon avis, objectif ? Bel effort, mais peu mieux faire.
Michael Moorcock et Fabrice Colin, Les Buveurs d’ames, Fleuve Noir