Steampunk et Cyberpunk

Pour beaucoup, le mot « punk » évoque surtout les Sex Pistols, le Londres de 1975/1979, l’époque « post baba cool ». La Valstar avait remplacé les plantes aromatiques, et les riffs de guitares hargneux et les éructations dévastatrices avaient supplanté les mélodies planantes et les harmonies vocales. C’était « God Save the Queen » ! hurlé par Johnny Rotten, le chanteur des Pistols, tandis que Sid Vicious, le bassiste qui devait bien mal finir, tirait frénétiquement sur les cordes de son instrument qu’il portait bas, dans un effet de look et de frime. En fait, le terme « punk » ne se traduisait pas vraiment, ou alors comme on le voulait, d’où finalement le fait que l’on puisse le retrouver dans les vocables « Steampunk » et « Cyberpunk ».

Le Steampunk -que j’ai vu traduit par « Futur à vapeur » et pourquoi pas- , c’est un peu la S-F du bricolage. On fait fonctionner des tas de machines sophistiquées avec 3 morceaux de bois et 5 bouts de ficelle. Mais là, je m’égare peut-être, car la vapeur doit rester la pièce maîtresse. Les ordinateurs, les fusées marchent à la vapeur : steam is here to stay ! Steam will overcome ! En un mot : vive la vapeur !

 

Pourtant, je serais tenté de dire que le premier steampunk digne de ce nom fut quand même l’illustre Jules Verne. Avec « De la terre à la lune » et les spationautes qui s’envolent pour l’astre de la nuit dans un obus propulsé par un canon, on est quand même dans la logique d’un « Mac Gyver du 19ème ». Si ce n’est que l’orthodoxie « steampunkienne » dresse le principe que les histoires de steampunk diffèrent de celles réellement écrites au XIXème. Le steampunk, c’est un XIXème revisité, et reformaté.

Pour cela on ne dénigre pas le bon vieux thème des voyages dans le temps, ainsi qu’une pincée d’uchronie pour le bonheur de tous, il faut bien l’avouer. Car la S-F, véritable discipline d’innovation ne va pas se plaindre du mélange des genres pour le plus grand bien de sa diversité.

 

Il en est ainsi dans le roman de Tim Powers « Les voies d’Anubis » datant de 1983. Un dénommé Doyle (vous avez dit élémentaire ?) se retrouve dans un XIXème recomposé ou reconstitué selon les sensibilités en s’infiltrant dans une faille temporelle. Il déambule alors parmi une faune hétéroclite dans un Londres de l’ère industrielle, où se côtoient également magie et mages, égyptiens de surcroît, qui veulent ramener leurs anciens dieux à la vie pour détruire l’Occident. Doyle (Brendan de son prénom) qui n’arrive plus à revenir dans les années 80 du 20ème siècle passé, se permettra-t-il de changer le cours de l’Histoire ? Tout cela fleure bon en effet l’uchronie, mais toute ressemblance avec une certaine actualité ne serait que fortuite. Enfin nous sommes dans un roman pas si vaporeux que cela, même s’il est classé officiellement dans le punk à vapeur.

 

En 2000 avec Johan Heliot et son roman « La lune seule le sait », nous sommes plongés dans un 19ème qui reçoit la visite d’extraterrestres à bord d’un vaisseau hybride de fer et de chair. C’est vraiment l’imagination au pouvoir ! Et l’on mêle Exposition Universelle de 1889, Napoléon III, et développement de la science dans un 19ème totalement chamboulé. Là encore, uchronie et rêves les plus fous fonctionnent à la vapeur quelque peu boostée par ces messieurs venus d’autres galaxies.

Avec le cyberpunk, on est réellement dans la technologie, mais sans forcément aller plus loin que ce que l’on connaît, ou du moins que l’on pressent pour un futur immédiat.
Ce qui fait que le « Metropolis » de Fritz Lang datant pourtant de 1927, peut être considéré comme du cyberpunk, car mettant en avant une société du futur, mais d’un futur qui pouvait être déjà à portée de main dans les années 30, de par l’avènement et la suprématie du machinisme, que chantera (ou plutôt déchantera) en 1975 le groupe Pink Floyd. Avec Metropolis, c’est un cyberpunk aux frontières temporelles interchangeables, c’est la vapeur qui s’évapore dans l’électronique et la robotisation des espèces, c’est 1927 qui fait le grand écart jusqu’à l’année 2000 et plus.

Autre opus de cyberpunk : le film « Matrix » datant de 1999, marque l’avènement d’un monde virtuel qui déteint désormais sur notre quotidien. Point commun avec le punk des seventies : les tenues de cuir ou de vinyle des personnages, dont se drapaient déjà les Sex Pistols.

 

Steampunk contre Cyberpunk, ou ensemble pour une même cause : le renouveau, la diversité de la S-F ?
Entre une ère industrielle revisitée, et une ère postindustielle analysée, il restera toujours des romans, des films, des BD, aux ambiances diversifiées et complémentaires.
Le slogan des Punks de 1975/1979 était : « No Future ! ». Il y a peut-être de cela dans le « steam » et le « cyber », puisque les frontières sont annihilées. On se balade tantôt dans un espace-temps, tantôt dans un autre ; et au final, on réinvente le siècle de la vapeur, pour le projeter dans un avenir où la dictature des technologies aliène l’individu autant qu’il pouvait déjà l’être durant ses interminables journées de travail dans les usines fonctionnant au charbon.

Pour ce thème :

- « De la terre à la lune » de Jules Verne - Le livre de poche.
- « Les voies d’Anubis » de Tim Powers - Folio S-F.
- « La lune seule le sait » de Johan Heliot - Folio S-F.
- Le DVD du film « Métropolis » de Fritz Lang.
- Le DVD du film « Matrix » de Andy et Larry Wachowski.

Et puisque l’on parle de punk depuis le début de cet article :
- Le CD « Never mind the bollocks » des Sex Pistols - Virgin.

Janvier 2007