Printemps russe (Le)

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21 juillet 1969, des hommes marchent sur la lune pour la première fois. Un enfant regarde la diffusion de l’événement en direct à la télévision et décide qu’il fera pareil. Qu’il ira dans l’espace...

Le printemps Russe, c’est l’épopée de Jerry Reed qui veut réaliser son rêve d’apesanteur. La guerre froide n’est pas achevée. Alors que l’Europe et la Russie lancent un programme spatial civil commun, les USA montent l’Etoile d’Amérique, un système de défense spatial effarant, les rendant théoriquement invulnérables. C’est dans ce climat tendu permanent que Jerry rencontre l’amour de sa vie à Paris, Sonia, d’origine russe. L’opposition des deux superpuissances prend alors corps dans le quotidien de ce couple : Jerry le rêveur, la tête dans les étoiles et Sonia la bureaucrate, les pieds sur terre. Leurs enfants, Robert et Franja, illustreront également le fossé (infranchissable ?) entre les deux cultures.

Ici, pas de grosse artillerie, le mot d’ordre de ce roman est le réalisme. L’aventure de Jerry Reed et de sa famille prend corps sur une Terre politiquement, économiquement, socialement crédible et documentée. Comme tout roman de science-fiction, l’auteur s’est livré à quelques spéculations sur son futur. Voyons quel futur nous attendait en 1990 : la Russie est encore un gros bloc politique très influent. En effet, c’est en 1991 que les républiques fédérées prennent leur indépendance et que la Russie se tourne vers la résolution de ses propres problèmes. Les Etats-Unis ont tourné leur politique extérieure vers l’Amérique du Sud, avec pour but avoué de libérer des peuples de leurs dictateurs et pour but officieux de faire tourner leurs usines d’armement.

L’interventionnisme américain était déjà connu en 1990. Bush père avait sévi. L’histoire irakienne nous montre que l’auteur n’est pas tombé très loin de la réalité. Technologiquement parlant, le monde du roman ressemble à celui que nous connaissons. Pas de voitures volantes mais un concordski (avion supersonique amélioré par le savoir-faire rustique de nos voisins slaves), encore envisageable avant le crash du Concorde en 2000, et des visiophones (qui ne sont pas encore monnaie courante mais qui se multiplient). Par contre, il semblerait que l’auteur n’ait pas anticipé la déferlante des portables (démocratisation à la fin des années 90). La course à l’espace ne s’est pas arrêtée, ni à l’est ni à l’ouest du pacifique et une ville spatiale voit le jour. La navette qui permet d’amener du public dans ces modules spatiaux sort du cerveau de Jerry et nul doute que cet exploit serait possible aujourd’hui si l’argent public avait été massivement insufflé dans la recherche spatiale (on parle bien de coloniser Mars à l’horizon 2050...)

Enfin, l’auteur semble avoir devancé certains événements de manière assez troublante : l’ordinateur personnel, la monnaie unique européenne (elle n’est arrivée qu’en 1999) et une curieuse... dévaluation du dollar !

En définitive, Le printemps Russe est un roman fleuve, intelligent, diablement réaliste, non dénué d’humour et de moment d’émotion, mais dont la lecture peut-être parfois laborieuse parce que, justement, trop réaliste. Il a cependant le mérite de décrire avec brio une vision de ce que pourrait être l’ordre mondial si la confrontation des deux blocs avait perduré. A ce titre, il constitue une magnifique description du monde à la veille du XXème siècle, à l’instar de n’importe quel bon roman ne relevant pas de la science-fiction.

A conseiller aux fans de grande saga, d’humanisme et de réalisme. A déconseiller à tous ceux qui cherchent de l’action débridée, du suspense et des races extra-terrestres.

Norman Spinrad, Le Printemps Russe, traduction : Luc Carissimo, Denoël, collection Présences, 1992

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