Dernier chant d'Orphée (Le)
Tout le monde connait le mythe d’Orphée et Eurydice, et certains connaissent aussi celui des Argonautes et la présence d’Orphée dans cette quête. J’avoue que je ne connaissais pas d’autres épisodes de la légende que Silverberg a intégrés à son récit, supposé présenter les adieux d’Orphée à son fils Musée. Que Silverberg ait, certainement, retravaillé la légende, ne serait-ce qu’en replaçant l’amour pour Eurydice au début de la carrière d’Orphée, est son droit le plus strict. Par contre, et ce n’est pas la première fois que cela m’arrive face à un récit écrit à la première personne par Silverberg, son narrateur me déplait au plus haut point. Il a une façon condescendante de présenter ses idées à son interlocuteur qui, pour une fois, n’est pas un lecteur anonyme. Les bases sous-jacentes de sa philosophie, mélange de fatalisme face à la volonté du(des) Dieu(x) (il passe de manière répétée de la servilité devant Zeus à l’évocation d’un Dieu unique qu’on retrouve derrière toutes les religions) et de refus de s’impliquer dans ce qu’il fait parce que telle était la volonté de Zeus, sa croyance à un déterminisme absolu que refusent d’admettre les tenants du libre-arbitre humain, me déplaisent au point de gâcher le plaisir que j’ai pris à retrouver certaines légendes. Ce n’est pas la première fois que Silverberg fait présenter par ses narrateurs ce type de convictions. Et s’il nous dit dans l’interview qu’il crée des personnages totalement distincts de lui et de ses propres convictions, je ne peux m’empêcher d’être gêné par les répétitions dans ce sens. Sur les déclarations du narrateur, en particulier sur le syncrétisme religieux qu’il répète sans arrêt dans ses récits, je ne le suis pas non plus.
Ceci étant, avec un minimum de distanciation, on appréciera les rappels des mythes, que ce soit celui d’Eurydice, celui des Argonautes, les visites en Egypte...
Les œuvres récentes de Silverberg sont assez rares pour ne pas rater l’occasion.
Le dernier chant d’Orphée de Robert Silverberg, traduit par Jacqueline Callier et Florence Dolisi, préfacé par Pierre-Paul Durastanti et complété d’une interview par Éric Picholle. Actu SF Perles d’épice, 2012, 178p., 12€, couverture de Zariel, ISBN 978-2-917689-40-0