Amours de Taneko (Les)
Taneko est une jeune fille vierge qui découvre sa sexualité. Elle commence par se coucher, puis par se toucher, puis des hommes vont la pénétrer, elle se lance alors dans des désirs et des plaisirs sado-masochistes. Autour d’elle, il y a d’autres femmes, plus mûres, plus adultes, qui se découvrent de nouvelles façons d’aimer, qui partagent le sexe à plusieurs. Certaines sont perdues. Leurs amants sont perdus. Shinichi lui-même s’égare et nous ouvre les portes de ses fantasmes.
C’est donc à travers leurs fantasmes et leur pratique d’une sexualité libre de tous tabous qu’évoluent les personnages de Shinichi Abe. Lui-même se met en scène dans ces ébats pornographiques. Le but n’étant pas de faire dans le trash, ni dans le film Hot. Il y a là une véritable réflexion sur ses désirs pulsionnels que possède cet artiste, schizophrène de surcroît. Par moment, le récit pourra vous paraître déroutant. Shinichi écrit et dessine dans la spontanéité. Il ne cherche pas la trame romancée d’un récit érotique. Il se livre tel qu’il est, tout comme Schiele dans ses toiles. Je vous invite à voir son manga comme un recueil de mini-histoires. Inutile de chercher des liens, même s’il en existe par moments. La continuité n’a pas de sens non plus. L’important est de ressentir à la fois l’excitation et le vertige qui motivent Shinichi dans son dessin. Ne se contentant pas de la réalité, il part dans ses délires, il projette ses allégories sur le sexe et sur ces relations bestiales qu’ont les hommes et les femmes entre eux. Parfois, vous serez choqués, vous serez maltraités dans votre lecture. Personnellement, j’étais dérangé à la vision de certaines planches. Mais c’est normal. Je suis là face à un manga d’avant-garde. « Les amours de Taneko » sont le témoignage en images d’un Japon que nous connaissons peu, un Japon des années 1970 dicté par sa fierté masculine et sa rigidité, un Japon où le sexe est exclu des conversations.
Les choses n’ont guère changé de ce point de vue au pays du soleil levant. Il suffit de voir l’excellent film « Babel ». En France, des tabous existent aussi. C’est pourquoi, ce type d’œuvre est capital et sa réédition en français est une chance pour nous autres francophones. Bien sûr, vous ne la mettrez entre les mains d’un enfant. Il y a dans cette bd un discours qu’il ne comprendrait pas. Des adultes accros au divertissement ne s’y retrouveront pas non plus. « Les amours de Taneko » s’adressent plus à un public amoureux de l’Art sous toutes ces formes et pour qui accepte que la perversité appartienne au genre humain, sans que l’on soit pour autant obligé d’y succomber. Fans d’Amélie Nothomb me comprendront ;-)
Titre : Les amours de Taneko
Scénario et dessins : SHINICHI ABE
Editeur : Seuil
Parution : septembre 2007
Nombre de pages : 312