Imaro

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Voici une œuvre que j’attendais depuis presque trente ans, et un certain nombre d’autres amateurs aussi. C’est un roman en quatre parties dont les trois premières étaient parues dans les années 80 dans la collection Aventures fantastiques des éditions Garancière et s’achevaient sur le défi lancé par le champion des Dieux Mauvais. Mais en fait, contrairement à ce que nous croyions, la fin du roman, écrite par l’auteur, était encore inédite aux États-Unis même et ce jusqu’à ce qu’un fan parvienne à convaincre Charles Saunders de la publier. Ce qui ne fut fait qu’en 2005, après que Saunders ait modifié certains épisodes des deux premiers volumes, dont un que l’actualité des années 90 avait rendu impubliable en l’état, parce qu’il évoquait Hutus et Tutsis...

D’une certaine façon, la quatrième de couverture ne ment pas en parlant de quatre tomes pour la première fois traduits en France : il y en a un qui est totalement inédit en français et deux qui ont été modifiés de manière importante...

Mais de quoi s’agit-il ? Que représente le qualificatif surprenant de fantasy africaine ? Au départ, la création d’Imaro est la réaction d’un Noir américain qui adore la fantasy, mais qui considère, non sans raison, la présentation de l’Afrique à travers les aventures de Tarzan comme calomnieuse pour les peuples africains. Et qui, en s’inspirant plutôt de l’œuvre de Robert Howard et de la saga de Conan, va promener un héros noir à travers paysages et peuplades d’une Afrique différente, un pays où magie, dieux et monstres abondent. D’abord à travers des nouvelles plus ou moins indépendantes, puis, pour permettre des volumes, liées par une trame de l’affrontement entre deux groupes de dieux dont l’un a suscité le héros Imaro en vue de la lutte à venir. Les deux premiers volumes publiés enchaînent les nouvelles sur l’apprentissage du héros ; le troisième, roman unique, montre le début de l’affrontement, quand apparaît un adversaire à la mesure d’Imaro, créé par les dieux ennemis. Mais ce n’est que dans le dernier volume, celui qui était encore inédit en 2005, que la guerre entre les deux camps atteint son climax et que le héros devra, tout en menant son camp au combat, s’interroger sur le sens de sa propre vie.

Au-delà de son rôle d’image des valeurs africaines et de réponse aux caricatures de Tarzan et de ses copies, Imaro n’est pas seulement le super-héros drapeau de l’Afrique, il est aussi un individu complexe, qui tient (autant d’Elric que de Conan). Il était temps que les amateurs d’une fantasy de qualité puissent le rencontrer de façon correcte.

Un détail au passage que je ne saurais supporter : dans sa postface, Patrice Louinet se permet de citer Farnham’s Freehold, roman post-apocalyptique de Robert Heinlein, non traduit en français parce qu’écrit au beau milieu de la vague d’anticipations de la guerre atomique avec l’URSS, comme un exemple des romans racistes qui caricaturent les Noirs. Je ne sais pas s’il a lu le roman ou seulement une caricature de son contenu : Farnham’s Freehold montre des Américains blancs transportés dans un futur où, après la guerre atomique avec l’URSS, les Noirs ont pris leur revanche sur les Blancs et ont réintroduit l’esclavage, mais en intervertissant les rôles. Et le tyran noir qui « accueille » le héros n’est pas plus monstrueux que ne l’ont été les esclavagistes blancs – pas moins non plus. Je crois que Henlein est assez clair dans sa dénonciation de l’esclavage quel qu’en soit le sens. Quand le héros reviendra dans notre temps pour créer sa ferme libre, celle qui donne le titre du roman, ce ne sera pas pour assurer la suprématie des Blancs, mais pour essayer d’assurer, après la guerre, une communauté sans racisme ni suprématie de l’une ou l’autre couleur. Si Henlein a forcé le trait ironique dans la partie futuriste du roman, l’accuser d’avoir propagé l’image raciste du Noir bestial, anthropophage et simiesque est un pur mensonge. Il fallait que cela soit dit.

Ceci étant et pour en revenir au roman de Charles Saunders, les questions de racisme entre ethnies noires y sont présentes, même si les Blancs n’apparaissent pratiquement pas (à part quelques descendants des Atlantes dans une cité perdue du plus pur style tarzanesque). On peut imaginer que certains des peuples étrangers avec lesquels commercent les pays de la côte Est du continent Nyumbani représentent les Indiens, les Arabes et il apparaît un Chinois dans l’un des récits. Mais l’essentiel pour l’auteur est de nous présenter, successivement, plusieurs aspects de l’Afrique noire et ce sans dénigrement inutile des autres humains. Et à la fin du roman, il reste à Imaro d’aller visiter l’ouest du continent, ce qui pourrait (et a peut-être) justifier (justifié) des compléments à la partie de la saga aujourd’hui réunie. Je serais heureux de les découvrir.

Imaro, de Charles Saunders, traduit par Patrice Louinet et Mike Nofrost, Mnémos 2013, 630 p., couverture d’Alain Brion, 35€, ISBN 978-2-35408-162-1

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Commentaires

Excellent commentaire, Georges !

Amitiés,

Bruno

c’est un excellent livre mais il faut dépasser le 1er tome qui présente les mêmes défauts que les Conan
après par contre, la qualité est là

ps : par contre, quel est l’intérêt de passer autant de lignes sur une querelle d’opinion ???