Enfant de cristal (L')
Il y a quelques années, Theodore Roszak nous avait déjà prouvé l’étendue de son talent avec son formidable « La Conspiration des Ténèbres », un roman d’une imagination folle qui mêlait cinéphilie et ésotérisme cathare en une décoction détonante. Il nous revient aujourd’hui avec cet « Enfant de Cristal », peut-être moins abouti que l’opus cité ci-dessus, mais suffisamment original toutefois pour nous tenir en haleine tout au long de ses 600 pages.
Le récit gravite autour d’une poignée de personnages, qu’il serre de près, jusqu’à l’aboutissement de leur destinée. Au centre de l’intrigue se trouve Aaron Lacey, un enfant atteint de progéria - cette maladie qui entraîne un vieillissement accéléré des êtres qu’elle frappe - qui va connaître une évolution stupéfiante. Alors qu’on le donne pour condamné, la science étant habituellement incapable de soigner durablement les patients atteints de ce processus dégénératif, le traitement qu’une brillante gérontologue lui administre déjoue tous les pronostics, sans que qui que ce soit parvienne à déterminer la raison exacte de cette guérison.
Aaron débute alors un incroyable rajeunissement qui, non content de lui conférer l’apparence d’un bel éphèbe tout droit sortit de l’Antiquité grecque, le dote de surcroît d’une intelligence hors norme qui le fait bientôt surpasser en tout les médecins qui prennent soin de lui. Son aura digne d’un Eros à la jeunesse éternelle l’amène bientôt a engager une relation charnelle avec Julia, son médecin traitant, qui, découverte, se voit contrainte d’aller passer quelques temps dans un établissement pénitencier. Aaron en profite pour fuguer et s’en va rejoindre un certain docteur DeLeon, gourou - charlatan ayant fait fortune au Mexique, loin des autorités américaines, sur un fond de commerce mixant fontaine de jouvence et licence sexuelle de type orgiaque.
La victoire d’Aaron sur le processus de vieillissement qui frappe naturellement tout être humain le transforme dès lors en un objet unique, précieux, parvenu à prendre la vieillesse de vitesse, en route pour un au-delà mystérieux qui métamorphose peu à peu son corps…
Roszak parvient, tout en nous contant le récit miraculeux d‘Aaron, à greffer une série de réflexions sur la mort, la jeunesse, le vieillissement, la mythologie, la génétique, etc. Les deux niveaux de lecture s’emboîtent parfaitement, sans que l’un prenne jamais le dessus sur l’autre. Les interrogations relancent l’intrigue par moments tandis que les péripéties aident à atteindre d’autres niveaux de réflexions à d’autres moments.
Le final du roman nous laisse en revanche un peu sur notre faim. S’il s’avère cohérent avec le reste de l’histoire, il ne brille pas toutefois par son originalité. Mais peut-être était-il impossible de conclure le récit différemment.
Cette petite réserve mise à part, « L’Enfant de Cristal » est un livre qu’il fait bon dévorer. En attendant que les progrès de la génétique permettent à tout un chacun d’accéder à cette vie éternelle qui a fait couler tant d’encre - et de sang - à travers l’histoire.
Theodore Roszak, L‘Enfant de Cristal, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Edith Ochs, 602 p., Le Cherche Midi