Graal R.I.P.

Frank Roger est probablement l’écrivain de SF le plus connu en Flandres, et son talent dévoile brillamment tous les recoins de l’Imaginaire. Je vous avais parlé, à l’époque (2005), de son recueil l’Ephémère immortel.

Voici un nouveau buisson de textes tout aussi remarquables. Mais plus traditionnels en ce sens que ce ne sont plus des short-short stories, mais des nouvelles normales. Enfin, qui peut écrire ’normales’ quant il s’agit de nouvelles de Frank Roger ? Je veux donc dire : de longueur normale. 21 en tout. Qui parcourent tout le spectre des thèmes possibles, « source de questions qui peuvent être sans fin » comme le dit pertinemment le préfacier, Alain le Bussy. Jugez-en, parmi les premiers récits : un singe sculpteur, un astronaute nostalgique de son passé, un avenir où les futurs-sans-doute-tyrans sont tués dès l’enfance, un autre où le temps s’arrête petit à petit, une joyeuse grand-mère touriste sur la Lune, des grévistes qui grèvent pour les grévistes, des appartements où chacun ne loge qu’un certain temps vu la surpopulation, etc., etc. Les thèmes volent en tous éclats et abordent tous les aspects de notre société, et ses travers.

Richard et la sortie traite d’un vieil homme perdu ne pouvant entrer nulle part faute d’identification. Le fantastique a sa part aussi : un homme s’évade grâce à des araignées, un autre n’arrête pas de mourir, un troisième se mange lui-même. Très originale est L’Omnipédie, histoire d’un livre qui varie d’après son lecteur. Les dernières nouvelles sont de pure science-fiction. L’homme que l’on ne pouvait plus aider, par exemple, étonnante aventure d’un ’sauteur temporel’ totalement incompréhensible au bon bourgeois qui le rencontre plusieurs fois dans son jardin. Avec Les élus, sommes-nous dans la réalité (une publicité pour un film d’invasion extraterrestre) ou dans la fiction (une tuerie véritable) ? Le recueil se termine par le texte qui lui donne son titre, texte plus long, assez politique, relatant la tentative d’un groupe d’opposants à une pensée unique de commercialisation effrénée.

Drôle, grinçant, horrible : tout Frank Roger est là.

Frank ROGER, Graal R.I.P., traduit du néérlandais par Frank Roger, Bruno Peeters et Françoise Bannier, couverture de Frank Roger, Editions d’Euryale, Roisin 2009, 263 p.