Janus

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Les Presses de la Cité nous proposent la traduction de « Pushing ice » d’Alastair Reynold. Livre de science-fiction qu’on peut mettre dans la catégorie hard-science. L’histoire se passe en 2057, lorsque Janus, un des satellites de Saturne, quitte son orbite. Le Rockhopper, un vaisseau minier commandé par Bella Lind, reçoit l’ordre d’intercepter Janus pour étudier cet étrange phénomène. L’équipage composé de scientifiques est d’abord intrigué et intéressé. Lorsque la compagnie donne l’ordre de rattraper Janus (qui fait tout de même presque 200 kilomètres de long), pratiquement tout l’équipage, composé de 145 personnes, est favorable à cette nouvelle mission. Même les Chinois qui ont un vaisseau dans les parages veulent découvrir le mystère de Janus.


Svetlana Barseghian, la meilleure amie de Bella Lind, mais aussi une excellente scientifique, se rend compte qu’avec les incidents que le vaisseau a connus récemment, il n’aura pas assez de carburant pour revenir sur Terre par ses propres moyens. Elle signale le problème à l’équipage, qui a des doutes. Mais lorsque la compagnie apprend cette nouvelle, elle ordonne d’écarter Svetlana de la mission d’interception. Rapidement, Svetlana découvre que la compagnie envoie des données erronées, qui n’auront qu’un impact : une impossibilité au Rockhopper de revenir sur Terre. L’équipage est donc confronté à un voyage sans retour, et une mort certaine.

Pendant que le vaisseau approche de Janus, des dissensions se font au sein de l’équipage. Il y a ceux qui veulent continuer la mission ordonnée par la compagnie dont fait partie Bella. Et puis il y a ceux qui n’acceptent pas et qui sont d’avis que Svetlana a raison. On assiste alors à un vote de l’équipage qui remet en doute le commandement de Bella. Cette dernière, minoritaire, se voit retirer son commandement et reste enfermée dans sa cabine pendant que le Rockhopper se prépare à faire demi-tour.

À ce stade de l’histoire, on se dit que Janus ne sera plus notre préoccupation. Eh bien, non ! Car Bella, avec l’aide d’un membre d’équipage, va parvenir à annuler la manœuvre de retour et faire en sorte que le Rockhopper reste sur la trajectoire d’interception du satellite. Cette action va d’ailleurs pénaliser définitivement Bella, qui restera enfermée très longtemps.

Comme l’équipage n’a plus les moyens de revenir sur Terre, il est contraint d’explorer le satellite. Le vaisseau minier va se transformer en vaisseau générationnel. On découvre que Janus accélère et prend la direction de Spica, une étoile située à 260 années-lumière. L’équipage résigné n’a d’autre choix que de s’installer définitivement sur Janus et d’explorer celui-ci. Un long voyage de 12 ans à des vitesses relativistes va amener les humains jusqu’au système de Spica. Janus est en fait un vaisseau composé de plusieurs cavités. Les humains vont se rendre compte qu’ils ne sont pas les seuls à vivre sur Janus. Ils vont faire la connaissance de Fontaines, extraterrestres beaucoup plus évolués qu’eux, ou des Chiens Musqués, race fourbe. Les premiers vont les aider tandis que les seconds vont tenter d’abuser d’eux.

Le second fil conducteur concerne Chromis, une femme qui vit 18.000 ans dans le futur, mais qui a laissé des copies de sa conscience dans un cube qui se trouve sur Janus. Son avatar va guider et aider Bella Lind. Si le personnage est intéressant, Reynolds aurait pu davantage développer celui-ci.

La première réflexion qui m’est venue à l’esprit a été que 2057 correspondait à un avenir trop proche pour la technologie décrite par Reynolds. Ce n’est pas sa faute si la conquête spatiale a eu un sérieux coup de frein. Le retour de l’homme sur la Lune et le voyage sur Mars sont de plus en plus hypothétiques. Alors, voir un vaisseau de 50.000 tonnes (le poids du porte-avions Charles de Gaulle) et un équipage de 145 personnes, se balader dans les parages de Saturne, cela me parait un peu trop optimiste. Reynolds aurait dû ajouter un siècle ou deux pour que cela devienne plausible. Mais qui sait ? Peut-être qu’un jour la conquête spatiale sera relancée !

J’ai un avis mitigé sur ce livre. Il est loin du cycle des inhibiteurs, qui a fait le succès de Reynolds. Une fois la trame de l’histoire dévoilée, il faut bien reconnaitre que ce n’est pas très passionnant. On a d’un côté le long voyage contraint et forcé d’un équipage, avec la rencontre de civilisations extraterrestres, et de l’autre le face à face entre deux femmes à la forte personnalité. Ce n’est pas un huis clos, mais c’est très réducteur, tout de même.

On aimerait s’identifier aux personnages principaux de cette histoire, mais Reynolds n’arrive pas à nous captiver. Au contraire, il nous fait même rater les événements importants de l’histoire. Je prends comme exemple l’acte héroïque de Bella pour sauver la fille de Svetlana (page 545). On découvre la situation après l’événement, alors qu’en tant que lecteur on aurait été beaucoup plus sensible à ce qui arrivait au capitaine du vaisseau, si Reynolds avait décidé de nous décrire la scène plutôt que de nous la raconter au passé. Dommage. On ne peut pas en vouloir à Reynolds, car ceux qui comme moi ont lu « Rendez-vous avec Rama » se souviennent certainement que transposer les émotions n’était pas non plus le fort de Arthur C. Clarke.

Janus est un livre qui ravira les amateurs de hard science. Comme d’habitude, Reynolds reste très cohérent avec lui-même. Il nous propose ici, l’aventure du Rockhopper, un vaisseau minier qui se transformera en vaisseau générationnel une fois sur Janus. Ceux qui ont lu le cycle des inhibiteurs reconnaitront parfaitement le style de l’auteur, mais seront un peu déçus de ne pas retrouver la même qualité que dans ce cycle. Cela reste néanmoins une histoire intéressante, peut-être un peu trop longue.

Janus par Alastair Reynolds, 2011, 578 pages, illustration de Chris Moore, traduction de Florence Dolisi, Presses de la Cité

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