Que ta volonté soit faite

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Maxime Chattam s’amuse à dresser le portrait d’une petite ville du Midwest américain des années 60 jusqu’au début des années 80, avec pour fil rouge l’évolution de Jon Petersen, un pervers psychopathe, de son enfance jusqu’au point culminant de sa sinistre carrière criminelle. Un roman noir à l’écriture et à l’atmosphère uniques dans la carrière de l’auteur, où tout converge vers un final aussi étonnant qu’imprévisible. « Que ta volonté soit faite » est non seulement un voyage à Carson Mills, mais aussi dans ce qui constitue l’essence même du roman policier, la vérité et le crime. On songe bien sûr à Stephen King (une bourgade à la Norman Rockwell où tout le monde connait tout le monde, un vieux shérif obstiné, le poids de la religion, les secrets de famille…) et parfois aussi à Jim Thompson.

Maxime Chattam aime les expériences d’écriture. Parmi les auteurs de la Ligue de l’Imaginaire, c’est sans doute lui qui prend le plus de plaisir à explorer des territoires divers, à jouer avec les mots et les styles, à varier les plaisirs… La preuve en est, le grand écart entre « La patience du diable », son dernier thriller sombre et les aventures d’Autre Monde, divertissement à la croisée de la fantasy et de l’aventure. Avec « Que ta volonté soit faite », le sieur Chattam ose un nouveau pari. Celui de quitter les rivages balisés du roman narratif, propulsé par un mystère, une enquête, une quête, pour tenter l’expérience du roman d’atmosphère.

Alors, pari réussi ? Oui et non. Ok, j’avoue, je vous balance une réponse de Normand, mais c’est le reflet exact de mon ressenti...

Oui, parce que Maxime Chattam a aujourd’hui atteint un tel degré de maîtrise de son écriture qu’il n’a aucun souci à nous plonger, dès les premières pages, dans une ambiance lourde, sombre, poisseuse… Au fil du récit, le lecteur s’enfonce peu à peu dans les méandres d’un esprit malsain, celui de Jon Petersen, enfant né dans le sang d’une lutte religieuse et porteur d’une noirceur abyssale. On découvre aussi les rouages d’une société, d’un  microcosme, prototype d’une petite ville américaine. A cet égard, ce roman se rapproche d’ailleurs de « Prédateurs », qui tentait déjà l'exercice de l’épure, substituant la Seconde Guerre mondiale pour une vision archétypale d’un conflit sans nom. On sent d’ailleurs que c’est ce qui fascine Chattam. Le Mal incarné et l’influence qu’il peut avoir sur le monde qui l’entoure. La présence d’un être comme Petersen est-elle à même de « contaminer » toute une communauté ?

Et c’est là que l’exercice atteint peut-être ses limites. « Que ta volonté soit faite » aurait peut-être pu aller plus loin dans les interconnexions, les liens charnels entre ce tueur en série parfaitement dessiné et son environnement. Par moment, on sent que l’auteur se retient, recule, simplifie… Peur de perdre le contrôle ? En tous les cas, dans les dernières pages, Chattam revient en terrain « conquis », s’offrant pendant quelques pages, un final trop classique…

Jusqu’à l’épilogue. Je ne peux pas vous en parler. Je veux vous en laisser la surprise. Mais je sais d’ors et déjà que cet épilogue divisera. Même s’il « ouvre »  le récit et propose une idée intéressante, une réflexion sur le lien auteur/lecteur qui mériterait un débat à elle seule.

« Que ta volonté soit faite » est un roman imparfait, mais virtuose et interpellant.

Que ta volonté soit faite par Maxime Chattam, Édition Albin Michel

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