CHATTAM Maxime 01

Auteur / Scénariste: 

On n’a pas eu l’occasion de se rencontrer pour “Autre monde” qui est sorti en novembre. Si je comprends bien, votre petite entreprise ne connaît pas la crise ?

Non, quand un romancier aime écrire et a une idée, il va jusqu’au bout. Donc, quand il a plein d’idées, il ne s’arrête jamais.

Avec votre nouveau roman, on revient dans l’univers du thriller, de la première trilogie. Pensez-vous qu’on peut avoir le pitch de ce nouveau roman ?

Ce n’est pas évident comme exercice parce que c’est un roman dont il ne faut absolument rien dire. C’est l’histoire d’un journaliste indépendant à New York qui est un peu en crise dans son couple, dans son métier. Il se pose beaucoup de questions et au fil des discussions et des rencontres, il va faire la connaissance d’une femme actrice de films pour adultes qui est très singulière, très particulière, très jolie, qui relève du fantasme. Il va se passer quelque chose d’effroyable puisqu’elle se tire une balle dans la tête devant lui et le livre démarre sur une enquête : Qui était cette femme ? Pourquoi a-t-elle fait cela devant lui et pourquoi lui a-t-elle dit ces fameux quelques mots (dont je ne dévoilerai pas la teneur ici) avant de se tuer ? Le livre démarre comme ça et le problème est que cet homme va fuir la scène d’autant que l’enquête sera confiée à une inspectrice new yorkaise qui est sa femme.

On avait déjà découvert cette femme dans « In tenebris », le deuxième roman de la trilogie du « Mal ». Est-ce que vous aviez déjà pensé à ce nouveau roman au moment de l’écriture de la trilogie ?

J’avais les thèmes principaux du roman quand j’ai écrit « In tenebris » mais je ne devais rien raconter. Ca devait rester un mystère entier, une porte ouverte à la résolution du roman en soi mais qui, finalement, n’était qu’un élément de la biographie de cette héroïne et dont on n’avait aucune réponse. Qu’est-il devenu ? On ne sait pas. Et je me suis dit, en écrivant « In tenebris », qu’il faudra que je fasse un jour l’histoire et que je la lie à un personnage important de « In tenebris » où je mettrais un ou deux éléments qui, aujourd’hui, ne peuvent absolument pas être lus ou reconnus comme des indices mais qui, plus tard, à l’éclairage du roman « La promesse des ténèbres » feront tout sens, c’est-à-dire que l’on pourra comprendre pourquoi tel personnage réagit comme ça ou dit telle chose.

Un changement au niveau de l’écriture puisque ça reste un thriller mais vous revenez vers le polar après les thrillers qui étaient plutôt des aventures où l’élément polar était beaucoup moins présent. Est-ce que ça a demandé un exercice de remise en forme ?

Non, ça n’a pas demandé de remise en forme particulière. Il faut canaliser. En écrivant « La promesse des ténèbres », je voulais que ce soit un polar mais, en même temps, je ne voulais pas que ce soit non plus un thriller médico-légal avec les informations du laboratoire de la police technique et scientifique. Il fallait éventuellement qu’il y ait deux ou trois petites infos à ce sujet-là mais il ne fallait pas que ce soit essentiel, je voulais davantage mettre l’accent sur l’aspect psychologique. Ce sont les individus qui mènent l’enquête avec leur pensée, leur cerveau, leurs déductions, avec des rencontres humaines. Je voulais plus me rapprocher de ce qu’est l’enquête policière dans la réalité et un peu moins dans le côté glamour un peu « Experts » qu’il peut y avoir dans certains romans, y compris dans mes premiers romans. Il fallait plutôt canaliser parce que c’est une facilité d’aller vers la solution médico-légale, vers le thriller techno-scientifique. C’était plutôt essayer de se réfréner, de parvenir à prendre des distances en se disant bien qu’on est dans un thriller. Ca doit aller à 200 à l’heure parce que c’est du thriller mais en même temps, il faut que les mécanismes soient davantage du domaine de la psychologie.

Il est évident que dans « La trilogie du mal » et dans les romans qui ont suivi, vous avez approché le thème du mal dans sa globalité. Ici, on est clairement dans le thème du sexe, de la sexualité, comme une pulsion quasiment irrépressible qui, comme pour la violence quand vous l’avez étudiée dans « Prédateur » par exemple, est presque une composante de notre inconscient mais qui, en même temps, nous a permis d’évoluer.

Dans « La promesse des ténèbres », je développe une idée qui consiste à croire que la sexualité est l’un des véhicules essentiels de la violence. Non pas le véhicule unique mais l’un des véhicules essentiels et donc, finalement, ce qui a fait que l’homme est en haut de la chaîne alimentaire, c’est essentiellement son instinct sexuel de reproduction pour lequel il a conquis des femelles et des territoires, à l’époque où il était animal et qui, de fil en aiguille, à travers les dizaines et centaines de milliers d’années, l’individu s’est construit sur cette sexualité.

Aujourd’hui encore, la sexualité est liée à une forme de violence sauf que, dans les replis du cortex reptilien, se situe une forme de sexualité sans tabou, très noireet c’est exactement là que se situe aussi l’aspect le plus primaire. C’est intéressant quand on sait aujourd’hui que la sexualité est en train de devenir de plus en plus débridée et que les snuff movies et les films ‘gonzo’ tels qu’on les appelle dans l’industrie du pornographique sont en train d’exploser. Or, si l’industrie du porno génère plusieurs dizaines de milliards de dollars de bénéfices chaque année, elle met en scène de plus en plus de films. Est-ce pour répondre à un besoin que l’homme a aujourd’hui ou est-ce aussi pour remettre sur le devant de la scène cet aspect reptilien et dangereux de l’individu ? Est-ce que dans cette volonté d’avoir une société qui va toujours de l’avant, qui se modernise tout le temps, n’en oublie-t-on pas ce qu’on est et comment on s’est construit et n’y a-t-il pas des éléments qu’on est en train de mettre en avant qui nous ramènent finalement à ce qu’on était il y a très longtemps ?

Finalement, cet aspect primaire de l’homme va creuser certaines pistes de cette sexualité dans le domaine du plus noir, du plus tabou et faire resurgir un aspect ancestral qui peut parfois peut-être être très dangereux.

Cette histoire se passe en 2000. Est-ce qu’au niveau de la recherche et de l’écriture, cela n’a t-il pas été parfois un peu casse-tête de ne pas faire référence à certaines techniques, à certaines facilités parce qu’on peut dire qu’en neuf ans, les choses ont nettement évolué.

Non, finalement, il n’y a pas eu trop ce problème-là. A un moment, je me suis demandé comment faire passer l’info parce que je pensais au World Trade Center et au moment où le roman se passe, les tours sont encore là. Je cite un des personnages qui explique qu’en faisant des fouilles sur Broadway pour construire un nouvel immeuble dans les années 90, ils ont découvert près de 20.000 ossements qui appartenaient à un cimetière d’esclaves et ces ossements ont tous été, faute de nécropole construite pour les accueillir, entreposés dans le World Trade Center. En même temps, ça a été enfui sous les décombres, c’est quelque chose que l’on n’a pas raconté dans les médias et puis, comme ça semble tellement évident quand on est dans le récit, je me suis dit que ce n’était pas la peine de revenir dessus.

Au niveau des techniques, il n’y a pas eu de problème puisque justement, je ne voulais pas faire un roman qui parlait trop des techniques scientifiques de la police. De temps en temps, j’ai posé quelques éléments qui inscrivaient vraiment le roman dans une époque pré-11 septembre. Il y a justement cette scène où Brady regarde le World Trade Center et les quelques phrases sur ce qu’il représente, sur ce colosse qui domine le monde sauf que ces deux colosses aux pieds d’argile, nous on le sait, vont s’effondrer dans pas très longtemps et, du coup, on peut imaginer à quel point le traumatisme sera fort. Ce qui permet également de réinscrire l’Amérique dans ce qu’elle est et dans ce qu’elle est devenue après le 11 septembre.

La suite de votre roman est programmée pour la fin de cette année. Quid, ensuite ?

Le tome 2 d’« Autre monde » sortira probablement au mois de novembre de cette année. Quant au tome 3, j’essaie de convaincre mon éditeur de le sortir plus ou moins en même temps ou très peu de temps après parce que la fin du tome 2 appelle immédiatement la lecture du tome 3 et j’aimerais bien que les lecteurs n’aient pas à attendre. Ensuite, en 2010, paraîtra un thriller qui se passe à Paris, en 1900, pendant l’Exposition universelle qui est une continuité de la réflexion que j’ai pu faire dans « La promesse des ténèbres » et qui, cette fois-ci, pose la question de la spiritualité du rapport de l’homme à l’occulte et de la déshumanisation face à l’industrialisation grandissante d’un monde. C’est ce qui s’est passé en 1900 et, à l’époque, on mettait en avant les bienfaits de l’industrie. Je vais m’interroger sur ce que nous étions à cette époque-là et sur le fait qu’aujourd’hui, nous sommes très proches de ce que nous étions il y a un siècle encore.

Maxime Chattam, merci.

Critiques ici !

- La promesse des ténèbres

- La trilogie du mal

- L’autre monde, tome 1

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