Prestige (Le)

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Au tournant du siècle dernier, deux prestidigitateurs accèdent à la célébrité en suivant chacun sa propre voie. L’autobiographie du premier, Alfred Borden, entame le roman. On y apprend comment il acquit sa technique éblouissante grâce à un travail acharné soutenu par un profond amour pour la belle prestidigitation. Le second, Rupert Angier, bâtit sa réputation sur des séances de spiritisme montées de toutes pièces, avec un art tout aussi consommé. Lors d’une de ces séances, Borden démasque Angier, entamant ainsi une querelle qui les opposera tout le reste de leur vie.


Leur duel prend, dans un premier temps, la forme d’une recherche continuelle de tours de prestidigitation de plus en plus spectaculaires, mais, rapidement, Borden devient l’objet des attaques constantes d’Angier. Celui-ci en vient à saboter son show, à faire courir des bruits sur lui...

La lecture du journal intime d’Angier permet de mieux comprendre cet acharnement en donnant aux événements un tout autre éclairage. Ce journal intime constitue la deuxième partie du roman. Le lecteur, qui avait pris fait et cause pour Borden, y découvre que sa version des faits était largement tronquée. Borden lui-même ignore que son intervention lors de la séance de spiritisme a causé la mort avant terme du premier enfant d’Anger. Et par la suite, son comportement n’a cessé de mettre en danger la vie d’Angier. Ce dernier met au point un appareillage électrique qui lui permet de se télétransporter d’un endroit à l’autre de la scène. L’électricité en est encore à ses balbutiements en ce début du vingtième siècle et l’appareillage est extrêmement sensible et dangereux. Borden commet l’irréparable.

Ces deux documents nous sont donnés à lire par l’intermédiaire de Kate et d’Andrew, les petits-enfants respectivement d’Angier et de Borden. Le duel qui opposa leurs ancêtres déteint encore aujourd’hui sur leur vie. Un jumeau d’Alfred, partiellement dématérialisé par un passage imprévu dans la machine d’Angier, survit quelque part. La crypte de famille de Kate renferme, elle, de bien étranges résidus des expériences d’Angier. Il leur appartient maintenant de mettre le point final à ces querelles funestes et peut-être d’éliminer à jamais les stupéfiantes séquelles qu’elles ont laissées.

Le roman est à quatre voix successives. Chaque acteur nous en donne un éclairage nouveau avant de laisser progresser l’action. La technique de Priest est phénoménale. Chaque version réveille les images suscitées par les précédentes et les éclaire d’un jour nouveau, souvent cruel.

La psychologie des personnages profite pleinement de cette technique. On se passionne pour le destin de chacun. Très visuel, surtout dans la mise en scène des séances de prestidigitation. La reconstitution d’époque est féerique. Nombreux coups de théâtre, évidemment. Passionnant de bout en bout. Écriture limpide, élégante, hypnotique.

Une véritable perle. Très large gamme d’émotions. Des images qui restent en mémoire. Une audace scénaristique qui s’appuie sur une technique sans failles.

Priest est un grand écrivain. Il nous avait déjà donné, notamment, Le Monde inverti, voici un nouveau chef-d’œuvre dans sa bibliographie. Ce livre a obtenu le World Fantasy Award en 1996 et le James Tait Black Memorial Prize en 1995.

Le Prestige, Christopher Priest, Trad. Michelle Charrier Denoël “Lunes d’encre”, 410 p.

Critique du film ici

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