Latium

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Le titre nous avertit d’une certaine façon : de plusieurs manières ce livre se réfère à un autre space opera à titre antique, autre énorme saga en deux volumes, d’un auteur connu. Et qui utilise aussi le thème des intelligences artificielles, même si elles sont des acteurs secondaires de cet autre livre. Comme Dan Simmons, Romain Lucazeau tient à rappeler sa maîtrise des univers classiques, en particulier de l’Antiquité gréco-latine, mais les nombreuses références et notes m’ont paru beaucoup moins prétentieuses et universitaires que celles du « maître » américain.

 

Malgré leur diversité, les multivers de la science-fiction ne sauraient s’ignorer mutuellement et on trouvera donc dans ce nouveau roman un certain nombre de références à d’autres histoires plus ou moins récemment parues. L’intertextualité, fréquente en SF, reste très éloignée du plagiat et de l’imitation servile. Même d’autant plus influencé qu’il n’en est qu’au début d’une œuvre qu’on peut espérer importante, Romain Lucazeau a, comme le Cid, entamé sa carrière par un coup de maître.

Bien que situé dans l’avenir, ce roman est une sorte d’uchronie puisque l’univers dans lequel se déroule l’histoire a vu perdurer la civilisation romaine, avec une alternance d’Empires (Imperia) et de Républiques, jusqu’à l’Hécatombe, la disparition complète de l’Humanité emportée par une épidémie peut-être artificielle et imparable. Les Intelligences Artificielles qu’avaient fabriquées les Hommes et qui étaient soumises aux Trois Lois du Carcan qui reprennent celles d’Asimov ont alors créé le Latium, empire interplanétaire des IAs hébergées par d’immenses vaisseaux spatiaux. Elles gèrent le domaine qu’elles attendent de restituer aux Hommes si jamais ils reviennent. Mais cet empire est menacé par une espèce non-humaine, probablement insectoïde, qualifiée de barbare, dont les avancées n’ont été que retardées par les IAs, auxquelles le Carcan interdit de détruire les envahisseurs.

 

Parmi ces IAs, il y a Plautine, biologiste exilée, qui s’est installée dans les Limes, la zone encore non contrôlée par les barbares, mais abandonnée par ses sœurs, à attendre un signe du Retour des humains. Quand, au bout de 3.000 ans, ce qui est peut-être un tel signe apparaît, elle appelle à son secours Othon, autre dissident, avec lequel elle a autrefois combattu les barbares. Celui-ci a préparé un autre moyen de combattre, qui lui permettrait de s’affranchir du Carcan...

 

Raconter plus serait prématuré. Découvrez cette uchronie fabuleuse, qui revisite un certain nombre d’idées d’une manière assez complexe, mais cohérente, si on accepte la prémisse la plus improbable, celle que la fabrication d’ordinateurs et d’intelligences artificielles aurait pu se faire de façon compatible avec la pensée gréco-latine et malgré tout conforme à notre conception.

Ceux qui ont eu une éducation suffisante à l’Antiquité en retrouveront des images tout à fait convenables ; ceux qui les découvriront pourront, ensuite, vérifier qu’il n’y a pas d’aberrations flagrantes.

 

Déjà un prix mérité pour ce dyptique, le Grand Prix de l’Imaginaire 2017. Peut-être d’autres à venir ?

 

Latium, de Romain Lucazeau, couverture de Manchu, Denoël collection Lunes d’encre, 2016.

1° volume : 449 p., 22€, ISBN 978-2-207-13302-6

2° volume : 508 p., 22€50, ISBN 978-2-207-13307-1

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