La chair des vivants a-t-elle meilleur goût que celle des morts ?(5)

Peut-être la réponse à la question sur laquelle nous planchons depuis quatre articles déjà se situe-t-elle du côté de l’ethnologie et de l’ensemble des études réalisées sur les peuplades endocannibales, ces divers groupes humains qui mangent les anciens de la tribu afin de les garder en leur sein ?

On connaît les effets secondaires, pour le moins déplaisants, qui résultent de tels rites...


La maladie du kuru a été découverte au début du XXème siècle auprès d’une population d’aborigènes des hauteurs de l’ouest de la Papouasie, qui consommait le corps des défunts lors d’un rituel religieux d’un rite funéraire anthropophage.



Les femmes et les enfants, qui mangeaient le système nerveux central (p.e. le cerveau, le siège de l’être) étaient les plus touchés par cette maladie à prion, encéphalopathie spongiforme semblable à la maladie de la vache folle (puis à la maladie de Creutzfeld-Jacob, pour sa variante humaine).

Ces maladies à incubation extrêmement longue (plusieurs dizaines d’années) débouchent à terme sur une démence suivie de la mort.


Il s’agit donc d’une forme particulière d’anthropophagie : on offre son corps en sépulture aux trépassés de manière à ce qu’ils revivent en soi. C’est ainsi qu’on leur rend hommage. Cet aspect ritualistique exclut par conséquent les membres issus d’autres espèces animales. On ne dévore que les individus appartenant à sa propre race, on ne dépèce que de la chair humaine.



Le problème ici (si l’on peut dire), c’est qu’on ne démembre les anciens qu’une fois qu’ils ont trouvé la mort. On ne les tue pas afin de les dévorer, on prend acte de leur décès avant de se lancer dans la préparation du dîner.

Ce mode opératoire ne correspond en rien à celui des zombies. C’est même tout l’inverse de leur manière d’agir. Nos amis sortis de la tombe refusent en effet d’ingurgiter toute chair non incluse dans le corps palpitant d’un de leurs ex-semblables. De surcroît, leur volonté de les avaler n’a rien à voir avec un quelconque processus rituel. Elle ne relève pas de l’ordre de la religiosité.

Dès lors, le parallèle éventuel que l’on aurait pu tirer entre leur fonctionnement et celui des tribus de Papouasie (pour ne citer qu’elles) ne tient pas l’eau. La réponse à leur appétit de chair fraîche se situe forcément ailleurs.

Peut-être du côté de l’instinct grégaire, alors ?

Ce sera le sujet de notre prochain article. D’ici là, bon appétit !