Kwaidan

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Etrange homme que Lafcadio Hearn (1850-1904) ! Né en Grèce d’un père irlandais et d’une mère grecque, il grandira en Irlande, au pays de Galles, puis en Normandie. Il apprendra assez de français pour traduire de grandes œuvres littéraires. Après un séjour à Londres, il part aux Etats-Unis comme correcteur d’épreuves, ensuite comme reporter. Fixé à La Nouvelle-Orléans, puis en Martinique, il y écrit de nombreux récits. Durant un séjour à Philadelphie, en 1890, il accepte un reportage au Japon, et... y restera jusqu’à la fin de sa vie, en se faisant naturaliser sous le nom de Koizumi Yakumo.

 

Paru l’année de sa mort, le recueil Kwaidan forme, en quelque sorte, le couronnement de son œuvre, et certainement de sa période japonaise. Il regroupe dix-sept contes et un essai, intitulé Etudes sur des insectes. Les nouvelles sont courtes, alertes, centrées sur l’action avant tout. Et toutes parlent de fantômes. Une jeune fiancée meurt et demande à son futur mari de l’attendre quand elle renaîtra, mais sous forme de bébé : il devra attendre une quinzaine d’années... Un homme rencontre, la nuit, une femme sans visage : affolé, il court vers un marchand au bord de la route, qui se retourne et lui aussi n’a pas de visage. Un samouraï se bat contre des têtes sans corps. Un autre samouraï va, comme Alceste pour Admète, se sacrifier pour sauver... son cerisier.

Les Etudes sur les insectes traitent successivement des papillons, des moustiques et des fourmis. Elles ne sont certes pas scientifiques, mais poétiques. Telle cette histoire d’Akiko, le papillon qui vient déposer son âme sur son fiancé mort (p. 182-185).

 

Tout cela se lit avec grand plaisir, et bien écrit (ou bien traduit ?). Ensuite, le traducteur nous gratifie d’une belle préface, fort intéressante. Il évalue les rapports quasi impossibles entre littératures d’Occident et d’Orient. Là-bas, le surnaturel est naturel, il appartient au quotidien, mais le merveilleux extrême-oriental peut parfois se montrer très violent. Il termine par un chapitre sur les fantômes japonais, en insistant sur les femmes-fantômes, parfois friponnes. S’il y a bien des différences entres les fantastiques nippons et les nôtres, Jacques Finné conçoit tout de même que des ponts peuvent unir les deux littératures.

 

Lafcadio Hearn, Kwaidan - Histoires et études de sujets étranges, Editions Corti 2018, traduction française et présentation de Jacques Finné, 254 p., 21 euros

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