Joyeuses aventures d'Aristide Pujol (Les)

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Inutile d'y aller par quatre chemins : voici un roman tout simplement formidable, écrit au début du siècle précédent (1912) et ressorti tout récemment des tiroirs du directeur de la collection Baskerville chez Rivière Blanche, j'ai nommé Jean-Daniel Brèque. Un roman unique, qui doit tout (ou presque) à son personnage, l'inénarrable Aristide Pujol, gaillard provençal « jamais plus heureux que quand il est ruiné » à mi-chemin entre le père Brown et Tartarin de Tarascon.

Un roman paru initialement en épisodes dans les pages de Strand Magazine, ainsi qu'il est précisé dans une excellente préface où l'on fait connaissance avec William J. Locke, auteur anglais aujourd’hui oublié mais qui, en son temps, connut quelque succès – jusqu'à voir certaines de ses œuvres adaptées à Hollywood, s'ilvous plaît... !

Neuf épisodes au total ; neuf épisodes où, dans le fond, l'action passe au second plan, s'effaçant derrière les innombrables sous-péripéties qu'elle comporte et derrière des personnages toujours très justes dans leurs excès et leurs incohérences. Mais que l'on ne s'y trompe pas ! Il n'est pas question ici de pantalonnade : le ton est parfait, jamais exagéré, jamais lénifiant non plus ; le style, riche et excellent, porte à lui seul la vision d'un homme ayant compris que, si le diable est dans les détails, tout le sel de la vie s'y trouve aussi. Alors, on a droit à des simulacres d'enquêtes, marrantes (voire risibles), énigmatiques ou émouvantes (je pense en particulier à « L'enfant trouvé » et à «Fleurette », qui sauront prendre par surprise le lecteur n'y prenant garde et lui arracher, à coup sûr, au moins une larme). Point de lamentation cependant : tout bouge, tout change, on avance. A l'instar du bon Aristide et de sa « barbe à la Van Dyck », on prend les péripéties de la vie pour ce qu'elles sont et on s'en sert pour rebondir jusqu'à l'épisode suivant, sous un soleil toujours éclatant.

S'il s'agit d'épisodes, on n'en a pas moins affaire à un roman à part entière, remarquablement construit. On rencontre notre merveilleux et invincible Aristide, avec son charme surnaturel (allez, métaphysique !), dans les rues d'Arles, et on le suit jusqu'à la péripétie de Londres dans un joyeux défilé de simplissimes absurdités dont on finit par regretter qu'il n'y en ait pas davantage.

Inutile d'épiloguer non plus, en fait, monsieur Locke, à travers son personnage, nous réapprend, s'il en est besoin, qu'il existe une arme irrésistible quand on sait l’utiliser à bon escient : le sourire. Et c'est armé de ce seul artefact que notre héros se transporte d'épisode en épisode et surmonte les épreuves qui se présentent à lui.

A cela s'ajoute un souci du détail et une connaissance irréprochable de la France, géographiquement et linguistiquement parlant – car là où beaucoup font l'impasse sur les questions de la langue, parfois carrément sur des planètes étrangères, William Locke prend la peine et le temps de nous préciser que son héros parle « l'anglais aussi bien que son provençal natal », lui fait rencontrer des Catalans « au français incompréhensible », et nous emmène à regretter de n'avoir pas connu cette époque guère si lointaine où mille langues et accents chantaient encore sur notre territoire. Ainsi, le roman est pétri d'expressions issues de partout et d'ailleurs qui le rendent plus réjouissant encore, tout en lui conservant un style unique et étonnamment moderne.

Voici donc une véritable découverte, sur laquelle je vous conseille de vous jeter dès que vous aurez une minute.

Les joyeuses aventures d'Aristide Pujol par William J. Locke, traduit par A. & V. Gignoux, illustration de R. Bernad, Rivière Blanche, collection Baskerville

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