Ineffaçables

Bruxelles 2016.

Au lendemain d’une vague d’attentats, des fresques pornographiques apparaissent sur les façades des quartiers populaires de la capitale et secouent l’opinion publique. Épaulé par Fred Boland, jeune recrue immature, l’inspecteur Karel Jacobs est confronté à une série de crimes sexuels d’une perversité sans nom. Les sévices s’enchaînent mais les victimes ne se ressemblent pas. Et le duo est rapidement dépassé par une enquête pavée de violence qui l’emmène dans les recoins sensibles de la ville. Samira, jeune mineure émancipée est retrouvée violée en plein cœur de Molenbeek. Sa route croise le chemin de Virgile Plisson, flic infirme relégué à la paperasserie et ancien membre de la cellule tag, prêt à tout pour reprendre du service. Du folklore estudiantin aux codes du street art, Clarence Pitz nous emmène dans les profondeurs de la capitale belge à travers un thriller rythmé et immersif basé sur un fait divers attesté, celui des fresques clandestines de Bruxelles.

 

Après avoir dévoré l’excellent Cléa de Frank Leduc, je craignais quelque peu d’être déçue par ma lecture suivante. Aussi ai-je intentionnellement choisi une autrice que je connaissais déjà et dont j’avais fort apprécié le premier roman : Clarence Pitz.

J’avais beaucoup aimé La parole du chacal disais-je, et j’espérais donc au moins autant du deuxième, bien qu’il soit très différent. En effet, Ineffaçables n’est pas un thriller pur et dur, mais bien un thriller/policier et il ne se déroule pas dans une contrée lointaine et exotique comme le précédent, mais en Belgique, pays de l’autrice, au sein de Bruxelles même. C'était l’occasion, pour moi, de commencer à découvrir la capitale belge avant de m’y rendre en chair et en os, à l’occasion du salon Iris Noir. Car la ville se révèle être presque un personnage à part entière de l’histoire. Bruxelles prend littéralement vie devant nos yeux à travers l’enquête et les pistes que suivent les policiers. Le sujet de départ, d’abord, les fresques clandestines, dont je ne connaissais pas l’existence avant que Clarence Pitz ne m’en parle elle-même. À noter que ces tags ne sont qu’un point de départ pour le roman. Clarence ne s’est nullement contentée de surfer sur le fait divers, mais a construit et développé toute une histoire à sa suite.

L’intrigue est maîtrisée et les personnages sont forts et typés. Les développements de l’enquête sont intéressants, les fausses pistes, les rebondissements et le suspense ne sont pas en reste et maintiennent un intérêt constant. Les accros au gore seront ravis d’apprendre que les crimes sont sordides et les détails parfois croustillants. Enfin, des thèmes de société très actuels sont abordés : le terrorisme, les politiques véreux, la prostitution ou encore le consentement sexuel, pour ne citer qu’eux. L’incursion dans le street art et le milieu des grapheurs est particulièrement original et enrichissant, et on notera un petit clin d’œil de l’anthropologue avec des références à des coutumes africaines. Je mentionnerai également l’attention toute particulière apportée à l’enquête et aux procédures policières qui leur confère une touche très réaliste. Tout est réuni pour faire d’'Ineffaçables un thriller/policier convainquant et plus qu’agréable à lire. Je dois reconnaître que l’auteur à fait très fort et que son roman s’est montré tout à fait à la hauteur de mes attentes.

Le style participe évidemment à la réussite de l’ensemble, car Clarence Pitz écrit bien – et ça ce n’est pas une découverte non plus. La petite touche supplémentaire qui emporte mon adhésion reste l’emploi de quelques belgicismes goûteux et de savoureux jurons du cru – comme verdomme – qui émaillent régulièrement le texte et qui nous permettent de nous immerger un peu plus dans l’ambiance. D’autant que la belle manie aussi très bien l’humour.

N’hésitez pas à plonger dans les ruelles de la capitale belge ; pour ma part, cela m'a donné l'irrépressible envie d’aller voir de près ces ineffaçables fresques !

Parue sur Beltane (lit en) secret

Ineffaçables, Clarence Pitz, Collection Phénix Noir IFS, 22,00 €