Françatome

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Illustrateur / Dessinateur: 


Commençons par polémiquer (pour le plaisir) sur la branche de la SF concernée : à mes yeux, ce roman est une histoire d’univers « parallèles » (ou perpendiculaires ?) et non une « pure » uchronie. Pourquoi ? Parce qu’on y présente un monde différent, un monde de rêve qui va tourner au cauchemar, sans vraiment discuter le (ou les) point(s) de divergence qui ont amené à cette situation et comment les différences sur lesquelles le roman insiste au fur et à mesure se sont développées.

Le sujet du livre est le monde décrit, pas sa relation au nôtre.

Ce qui, tout compte fait, ne change rien au plaisir du lecteur de voir fonctionner cette dystopie. Parce que le caractère dystopique de cette histoire ne fait pas le moindre doute. Même si le but, là encore, n’est pas de montrer l’effondrement de la dystopie...

Nous sommes donc dans un monde qui, au départ, était celui de la réalisation par le général (de Gaulle) d’un avenir radieux, sur la base d’un développement presque miraculeux de l’énergie atomique et de la conquête spatiale. Dans ce monde, dans une année 1958 qui voit le retour au pouvoir du général, mais dans lequel la guerre d’Indochine n’est pas finie et celle d’Algérie a avorté après une bataille de la Casbah qui a anéanti le FLN, le héros et narrateur, Vincent Clain, accompagne son père, au centre de recherches d’Hammaguir. Physicien de génie, créateur des premières piles nucléaires, Magnus Maximilian, qui s’est appelé autrefois Werner von Braun, exfiltré d’Allemagne en 1945 par l’armée française, se prépare à réaliser ses projets spatiaux avec l’aide des talents d’atomiste du professeur Clain. Il va assister aux triomphes successifs de Maximilian, à la création de la Roue Spatiale préparée par celui-ci, mais à l’échec de la création de la fusion contrôlée dans le « désertron » de son père, et à la mort de sa mère emportée par un cancer dû aux radiations. Il va alors s’enfuir aux Etats-Unis, puis au Canada et ne suivra que via les informations la transformation du rêve en cauchemar, la vague de sécessions qui suit la mort du général en 1970, à commencer par celle de la Roue et de Maximilian. Bien des années plus tard, alors que la France est devenue un champ de bataille permanent entre le gouvernement militaire et les groupes indépendantistes et terroristes, que la Roue qui a quitté son orbite se prépare à arroser la Terre de déchets radioactifs, il est rappelé à Paris pour, croit-il, les funérailles de son père. Mais il s’agit d’une mission de la dernière chance à laquelle il va devoir se préparer, dans un pays et un monde en totale déréliction...

Les souvenirs de Vincent s’intercalent entre les moments de préparation du départ vers la Roue. À défaut d’une explication complète de l’histoire de cet autre monde, nous découvrirons au fur et à mesure des évocations du passé ou de la découverte du présent un certain nombre d’images de ce « futur » autrefois radieux, aujourd’hui menacé d’irradiation...

La couverture de Carlo Oliveira nous montre bien les espoirs que la réalité a trahis... Et le roman présente un curieux caractère de « steampunk nucléaire ». Avec un mystère que cette recension ne vous présentera pas...

Bref, cette SF à la fois nostalgique et critique que Johan Héliot a déjà fort joliment traitée et que le lecteur devrait apprécier de nouveau.

Françatome, de Johan Héliot, 261 p., couverture de Carlo Oliveira, 9€90, ISBN 978-2-35408-202-4, Mnémos collection Hélios

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