Fiancée du dieu Rat (La)

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Le début des années 20 à Hollywood, en pleine gloire du cinéma muet. Au sein d’un microcosme joyeusement décadent (celui des Chaplin, Valentino et autres Fairbanks), agité par une succession infernale de soirées où l’alcool coule à flots (en pleine Prohibition), généreusement secondé dans ses effets narcotiques par la cocaïne. Un vrai pays d’Oz, totalement déconnecté de la réalité...

Chrysanda Flamande (Christine de son vrai prénom), jeune femme superficielle et vaine mais bourrée d’énergie positive, grande dévoreuse d’hommes, constamment flanquée de son escadron de pékinois (Black Jasmine, Buttercreme et Chang Ming – qui se révéleront au final bien moins décoratifs qu’on pourrait le penser) et de sa belle-soeur Norah Blackstone, qu’elle a sauvé de la voie sans-issue dans laquelle elle s’était engagée à Manchester suite au décès de son mari durant la Grande Guerre, savoure le succès du dernier long-métrage à l’affiche duquel elle apparaît : « Le Baiser des ténèbres ».

Ce qu’elle ne sait pas, en revanche, c’est que le lourd collier qu’on lui a demandé de porter pour ce film (la « Lune des Rats ») l’a désignée comme étant la promise d’un démon venu de Mandchourie : « Da Shu Ken », ou le Dieu Rat. Un étrange vieillard chinois du nom de Shang Ko, qui a pris conscience du danger encouru par Christine en apercevant l’affiche de son film, entre bientôt à son service en tant que jardinier pour lui porter secours sans qu’elle le sache. Il s’agit en vérité d’un puissant magicien venu de l’Empire du Milieu, qui a déjà affronté cette divinité maléfique dans le passé, sans toutefois parvenir à la contrer...

Une série de meurtres étranges, d’une violence hors du commun, vient ensanglanter l’équipe qui travaille au nouveau film de Christine, « La Démone de Babylone », tourné par un certain Hraldy qui ne rêve que de porter à l’écran « La Métamorphose » de Kafka. Un jeune cascadeur se fait littéralement tailler en pièce par Charlie Sandringham, un acteur possédé que la production s’empresse de cacher loin de Los Angeles, histoire de ne pas ruiner les recettes espérées. Blake Fallon, le premier rôle masculin, habituellement totalement dénué de talent, se métamorphose soudain en acteur de première classe tout en cherchant chaque jour davantage la compagnie de Christine – qui échappe de peu à une tentative d’assassinat à l’explosif, lors d’une cascade à bord d’un char. Durant ce temps, une idylle fragile se noue entre Norah Blackstone et Alec Mindelbaum, le cadreur ayant la responsabilité de mettre les films en boîte...

La Californie de ce début de XXème siècle accueille le récit trépidant de « La Fiancée du Dieu Rat », fait de magie chinoise, de courses-poursuites avec des morts-vivants, d’intrigues au sein du milieu cinématographique hollywoodien. La brochette de personnages inventée par Barbara Hambly remplit à merveille le rôle qu’elle lui assigne : tresser un intrigue palpitante et légère, recréant le temps d’un roman l’atmosphère surannée des « serials » d’antan, mélant exotisme, aventure et romance en une mixture qui se savoure sans compter.

On peut cependant regretter que le roman ne réserve pas davantage de coups de théâtre ou d’éléments secondaires susceptibles de raviver l’intérêt du lecteur. Linéaire à l’excès, il perd par moments de son intensité au fil des 455 pages qu’il compte. Plus court ou plus touffu, cet ouvrage se serait certainement révélé plus intense.

Mais ne dramatisons pas : en l’état, il n’en reste pas moins un agréable divertissement, qui fait penser par moments à l’excellent « Colheart Canyon » de Clive Barker pour sa description des moeurs hollywoodiennes. A découvrir.

Barbara Hambly, La Fiancée du Dieu Rat, traduit de l’anglais par Michèle Charrier, 455 p., Les Moutons Electriques, édité en Livre de Poche

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