GENEFORT Laurent 02

Auteur / Scénariste: 


Bonjour Laurent. Peux-tu me dire quelque chose sur toi ? Qui es-tu ?

Je suis un auteur de science-fiction et de fantasy, j’ai quarante ans et j’écris depuis une vingtaine d’années.

Est-ce que tu te souviens de tes premiers textes ? Que sont-ils devenus ? Est-ce que tu as publiés directement ?

Les tout premiers, j’essaie de les oublier. Le premier, je l’ai écrit à dix-neuf ans, il a été publié que j’en avais vingt. C’était un space opera d’assez mauvaise facture, qui heureusement ne sera jamais réédité. Il se trouve qu’à l’époque, c’était en 1988, l’ancien directeur du Fleuve Noir était parti fonder sa propre maison d’édition en emmenant avec lui certaines locomotives du Fleuve Noir, dont Serge Brussolo et Joël Houssin. Il y a donc eu un appel d’air au Fleuve. Comme par hasard j’étais là, et mon premier manuscrit a été pris. Il s’appelait Le Bagne des Ténèbres. Il avait les défauts et les quelques qualités d’un premier roman. On dit souvent que le livre le plus dur à faire publier, ce n’est pas le premier mais le deuxième : c’est vrai. Il m’a fallu trois ans et quelques échecs pour en placer un second, qui pourtant était le plus mauvais que j’aie jamais écrit ! Mais bon, il est paru et ça tombait bien car j’étais étudiant et j’avais besoin d’argent. Et puis, cela m’a permis d’embrayer sur mon premier bouquin correct, qui s’appelait Elaï, et mon premier bouquin potable, Les Peaux-épaisses. Ensuite, c’était parti, à raison de trois ou quatre bouquins par an, ce qui m’a assuré le gîte et le couvert pendant quand même pas mal d’années. Jusqu’à ma thèse en fait, qui avait trait à la construction narrative. Mon DEA était sur les néologismes dans Noô, mais Stefan Wul étant un peu restreint pour une thèse, j’ai élargi mon sujet aux livres-univers en général et à cinq œuvres en particulier : Dune, Hyperion, La Compagnie des glaces, Helliconia et bien sûr Noô.

Il y a de la matière, là.

Ça faisait quelques dizaines de milliers de pages, oui…

Maintenant que tu as une “carrière” derrière toi, que pense Laurent Genefort de l’écrivain qu’il est devenu ?

Je n’en pense pas toujours du bien, parce que je n’aime pas trop regarder dans le rétroviseur. Il y a eu la période Fleuve Noir, puis l’après-Fleuve, plus chaotique. Durant la période Fleuve, la direction de collection était assez lâche, on faisait ce qu’on voulait. On n’imagine pas aujourd’hui la liberté par rapport aux lois du marché. On pouvait construire vraiment quelque chose, un univers sur le long terme, ce qui est beaucoup plus difficile par les temps qui courent. Aujourd’hui, chaque bouquin doit se vendre, on repart plus ou moins de zéro. L’aspect négatif de cette époque pourtant bénie, c’est que ça favorisait l’encroûtement. Et c’est vrai que j’ai fait quelques bouquins qui me paraissent redondants.

Et c’est devenu ton métier, finalement ?

Cela a toujours été mon métier, depuis le début, émaillé çà et là de scénarios de bédé, de films, etc., qui permettaient de joindre les deux bouts.

Et à part ça, quelles sont tes autres passions ??

J’en ai plein, mais ça fait un peu « MySpace » si j’en parle !

Penses-tu que ton œuvre a marqué une génération de nouveaux écrivains ?

Non, je ne crois pas. Je me considère réellement comme un auteur de science-fiction. Donc pas tellement polyvalent. J’envie des auteurs comme Pelot, qui sont capables d’écrire sur tout. C’est un écrivain pour moi. Moi, je me considère plus comme un écrivain de science-fiction et de fantasy, et je m’inscris totalement dans ces genres. Du coup, je n’imagine pas quelqu’un qui fasse du Genefort, ça n’aurait aucun sens. En revanche, Serge Brussolo ou Stefan Wul, qui m’ont d’ailleurs beaucoup influencé au début, sont des auteurs qui gauchissent l’espace littéraire autour d’eux ; ou Julia Verlanger qui avait un style très reconnaissable, très fort. Il y a des auteurs aujourd’hui qui s’inspirent d’elle, qui se réclament d’elle, directement. Mais il faut alors un style très particulier, ou une fantasmatique unique, comme Brussolo. Je ne pense pas faire partie de ce type d’auteurs.

Aimerais-tu que certains écrivains s’incrustent dans les mondes que tu as créés pour en faire quelque chose d’autre ?

Ah oui, ça c’est différent ! C’est une des caractéristiques de la science-fiction, qui est de se pencher sur elle-même, et d’emprunter de façon « latérale » aux auteurs vivants, ou de façon « verticale » aux auteurs ou aux fans de SF. Moi je le fais. Tout le monde le fait, et c’est un des charmes de la SF. S’il n’y avait pas cette façon de fonctionner, on resterait toujours en surface des thèmes. Parfois, on descend très, très loin à l’intérieur d’un thème. C’est ça, l’avantage d’une culture, c’est d’avoir déblayé le chemin pour les suivants et d’ouvrir des routes secondaires dans des thèmes généraux qui sont un peu des autoroutes. Cela sert à ça, la culture – enfin, pour moi. C’est à ce niveau-là que moi j’essaie d’avancer, de creuser mes voies qui ensuite pourront être reprises, si elles sont suffisamment bonnes. Mais des idées-forces, on en a trois ou quatre dans une œuvre. Si j’arrive à en faire trois ou quatre, je serai comblé !

Tu auras réussi.

L’idée, c’est de contribuer. Il n’y a rien de plus contributif que la littérature de SF.

Y a-t-il des livres que tu regrettes avoir écrits et si oui, lesquels ?

Ah oui ! Le deuxième. Il est très mauvais. Je ne le citerai pas. Je regrette de l’avoir écrit, mais en même temps, ça m’a permis d’écrire la suite. Celui-là, j’aurais préféré ne pas l’écrire. Mais j’aurais volontiers touché l’argent de la publication…

Que retiens-tu de ton parcours depuis ces 20 ans ? Qu’est-ce qui a changé dans le monde de l’édition ?

Tout a changé. Moi, j’ai vécu les dernières heures des collections, c’est-à-dire « Présence du Futur », « Anticipation », les collections canoniques. Même J’ai Lu aujourd’hui ne publie quasiment plus que de la fantasy. « J’ai Lu SF » c’est quasiment mort, ça appartient au passé. Donc oui, j’ai vécu la fin des grandes collections qui assuraient une certaine pérennité. Ce qui ne veut pas dire aujourd’hui que les textes se perdent. Au contraire, on est dans une logique de mise en avant du patrimoine SF aujourd’hui qui est très bien. Et tout le monde s’y met. C’est vrai que du coup, tout s’est un peu éparpillé. Il n’y a plus ce rouleau compresseur mass-médiatique que permettait des grandes collections populaires comme celles deJ’ai Lu ou du Livre de Poche à une époque. Et puis « Anticipation », pour les auteurs français.

Quelles sont les nouvelles idées, les nouveaux courants qui te semblent intéressants aujourd’hui ?

C’est très bizarre ce qui se passe dans la science-fiction. Par exemple, je ne sais pas comment il faut interpréter l’émergence du steampunk. Est-ce un simple repli vers le passé, ou la reconnaissance par la SF de ses propres racines, celles de la Révolution industrielle ? Il est clair que l’avenir fait peur et qu’une partie de la déchéance de la SF en terme de public est due à ça. Je pense qu’il y a quelque chose de profondément vrai dans l’enquête qu’avaient fait les frères Bogdanov, qui s’appelait L’Effet science-fiction, qui était plus ambitieux qu’il n’en avait l’air puisque c’était des interviews de « people » de l’époque ; a priori pas très intéressant, mais derrière, il y avait une vraie tentative de définition de ce qu’est la SF et de sa perception par le grand public. Et je trouve que la plupart des gens ne veulent pas entendre parler du futur et ne veulent pas lire des bouquins qui se passent dans un futur où tout n’est qu’épouvante. Pourtant, en y réfléchissant, il est tout aussi peu rationnel de lire une histoire qui se passe en 2050, qu’un récit se déroulant en 1900 ou 1750, où le lecteur est tout aussi mort – ou n’existe pas, et de surcroît dans un passé qui est relu et totalement déformé par les modes de pensée modernes ; donc tout aussi irréaliste en fait que la science-fiction contemporaine !

On parle beaucoup de mondialisation. Cela se voit-il aussi au niveau de la SF ?

Je ne sais pas. La mondialisation, elle a été traitée pour moi il y a vingt-cinq ans par le cyberpunk. Donc je suis baigné dans ce climat-là, dans un climat post-politique, depuis très longtemps, depuis l’adolescence. Les problématiques de la mondialisation sont présentes dans la science-fiction depuis une bonne génération. Quand j’ai élaboré mes premiers romans, dès le début, dès 1988, j’avais comme idée un monde en réseau. Le réseau des Portes de Vangk dans lequel des passages ouvrent les planètes les unes aux autres. Cela abolissait cette idée d’empire ou de fédération galactique à la Star Trek qui existait encore dans les années 80, où les distances comptaient encore. Dans mes romans et mes nouvelles, je définissais déjà un univers où les mondes lointains ne sont pas les mondes géographiquement lointains, mais des mondes qui communiquent peu, qui ne sont pas reliés par des Portes de Vangk, ou dont les flux de données qui y transitent sont réduits. On était déjà dans la perspective d’internet. A l’époque, j’étais déjà sur les réseaux. Internet n’existait pas, mais il y avait ce qu’on appelait les BBS, purement textuels, où l’on récupérait des messages, on se les renvoyait, il y avait déjà l’équivalent des forums, des mailing lists.

Tu passes du space opera à la fantasy. Cela découle-t-il d’une envie, d’un besoin ou de coller à une certaine mode ?

Non, ce n’est pas de la mode, car mes premiers textes de SF, je les ai écrits en même temps que mes premiers textes de fantasy. Donc j’ai écrit indistinctement de la fantasy et la science-fiction à mes tout débuts. En revanche, c’est vrai que j’ai été publié plus tard pour la fantasy, d’abord dans des anthologies, puis dans une collection adulte qui est mort-née (aux éditions du Masque), donc qui est passée un petit peu inaperçu. J’ai imaginé mon univers de Wethrïn vers 1988, 89. Donc c’est un univers que je connais déjà depuis vingt ans. Cela vient du fait que dans les années 80, quand j’étais gamin et que j’ai commencé à lire de la SF – je devais être en CM2 –, les classiques de la fantasy étaient publiés dans les collections SF. Donc j’ai lu Vance, Tolkien, Leiber, Moorcock, Bradley… dans des collections de SF. C’était là-dedans que ça se publiait. Pour moi, SF et fantasy ont toujours été intimement liées. Regardez les auteurs de SF autour de vous, les auteurs de mon âge, ils ont tous écrit de la fantasy. Parce qu’on a été baigné dedans.

La rencontre entre les peuples semble te fasciner, notamment dans l’univers d’Omale. Toi-même, vas-tu à la rencontre d’autres peuples ?

Ah, pas du tout ! (Rires) Non, je ne suis pas un explorateur. En même temps, c’est cette idée de trouver une planète, qui fait que maintenant la notion d’exotisme, d’une certaine manière, est terminée. Avec la globalisation, les problématiques classiques de l’exotisme – le côté lointain, le côté « on ne connaît rien des peuples qu’on va rencontrer », la découverte absolue d’un peuple qui serait totalement ignoré – commencent à appartenir au passé. C’est une phase de l’humanité qui se termine. Cela a un côté enfermement, que l’on trouve retranscrit dans Omale. Omale, c’est une parabole de notre monde, qui est à la fois immense et confiné – Omale étant une sphère de Dyson, donc un espace clos… mais démesuré. C’est une forme de paradoxe, qui est le paradoxe du monde moderne. La Terre n’a pas changé, elle a la même surface depuis le début, mais notre perception a changé et, j’allais dire que d’une certaine manière, le ciel s’est refermé au-dessus de nous. Comme Omale. On sait qu’on est dans un monde fini, donc il faut faire avec. La connaissance de l’Autre ne peut que grandir. Dans l’actualité récente, il y a eu les « bienfaits de la colonisation ». C’est hallucinant d’entendre ça aujourd’hui. J’ai l’impression d’être dans un pays qui a cinquante ans de retard. La SF c’est un discours là-dessus, la SF moderne, c’est : comment passer des anciens modes de pensée, qui sont ceux de nos hommes politiques – et d’un certain nombre de figures médiatiques – encore aujourd’hui, à une vraie pensée moderne. Sortir des archaïsmes. On ne peut plus hiérarchiser comme avant. Et pourtant les politiques le font… C’est très étonnant.

Quel est l’élément déclencheur qui fait naître tel ou tel roman, telle ou telle thématique... As-tu des éléments déclencheurs, des faits, des objets… une œuvre d’art… ?

Un mélange de tout ça. Depuis le début je suis sur Internet, donc maintenant ça fait un bail que c’est une source d’information pour moi.

Quel sont les derniers livres que tu as lus et que tu recommanderais ?

Le dernier livre que j’ai lu c’est Temps de Baxter. Là, je suis sur Espace, (NDLR : les volumes de la série « Les univers multiples ») et je trouve que c’est un des bouquins les plus forts que j’ai lus depuis plusieurs années. Baxter a un côté bien de son temps, un vertige cosmique qui m’a éclaté la tête. Ce qui ne m’empêche pas d’être critique sur le livre sur d’autres aspects, notamment l’aspect humain. Mais il n’empêche que c’est vraiment époustouflant. Le voyage à travers les différents univers en formation… époustouflant. J’ai retrouvé le vertige que j’avais eu avec un bouquin d’un astrophysicien, Nicolas Prantzos, qui faisait une prospective très lointaine sur le futur, avec des factorisations gigantesques, et on retrouve ça. Sauf que c’est vécu dans la fiction, et du coup c’est beaucoup plus fort.

Sinon, je lis beaucoup de documentations.

Quel est ton auteur de science-fiction préféré ?

Greg Egan. Et un autre bouquin d’ailleurs, c’est le dernier de Egan, Radieux, le deuxième qui est paru au Bélial. Il est magistral, même si une partie des nouvelles sont accessibles sur le Net. Il a fait une nouvelle qui à elle seule justifie l’achat du volume. C’est l’un des livres que je garde dans ma bibliothèque, moi qui n’aime guère entasser des livres.

Quel est ton auteur de littérature générale préféré ?

C’est difficile, parce que j’en lis très peu. A chaque fois je suis déçu. (Il réfléchit) Je n’en ai pas, en fait. Ce sont des vieux auteurs, en fait. Marcel Aymé, Anatole France, Gracq, des auteurs comme ça. Mais des auteurs récents… Le dernier Houellebecq est intéressant et c’est sûrement un des auteurs les plus intéressants même si je n’adhère pas du tout à sa vision du monde. Mais c’est un auteur intéressant. En même temps, je le trouve très « franchouille ». C’est assez marrant. Il fait le lien entre la science-fiction et la littérature générale française insupportable. C’est assez étonnant. Il a les défauts des auteurs français, qui sont de ne pas faire d’histoire, d’être autocentrés… enfin, tous les défauts habituels et caricaturés par les critiques étrangers sont là. Et en même temps, son bouquin est intéressant.

Quel est ton roman de science-fiction préféré ?

Alors ça, c’est marrant, parce que je trouve que la science-fiction se démarque par exemple du fantastique ou d’autres genres où l’on peut avoir un roman préféré. Moi je pense que la SF, c’est un genre qui est très partagé. Autant pour le fantastique, il y a deux ou trois auteurs qui se démarquent réellement du lot, autant en science-fiction, je trouve qu’il y a une vingtaine d’auteurs de premier plan. Donc je ne pourrais pas dire… Un auteur comme Neil Stephenson est brillant, un auteur comme Baxter, comme Egan ou Benford, ce sont des auteurs brillants… bref, il y en a plein. Et j’aurais envie de continuer la liste pendant longtemps, parce que j’ai l’impression d’en oublier beaucoup. Sans compter que dans le passé de la science-fiction, on pourrait en citer cent. Et justement, j’ai des regrets que des auteurs ne soient pas plus connus… Harry Harrison par exemple. Pour moi c’est un auteur majeur. Mais bizarrement, il y a des auteurs qui ne marchent pas et qui tombent plus ou moins dans l’oubli alors qu’ils mériteraient d’entrer dans la postérité. Ou Rudy Rucker. Ou P.J. Farmer, qui petit à petit tombe dans l’oubli.

Quel est ton film de science-fiction préféré ?

J’en ai plusieurs, mais c’est vrai que le choix est plus restreint. Je crois que ça reste « 2001 » et « Blade Runner »… Bien sûr, après l’interview je me dirai « Pourquoi je n’ai pas cité celui-là ? »… Il y a des petits films qui peuvent marquer, comme « Bienvenue à Gattaca », un film très classique dans la forme. Il y a comme ça une centaine de films qui mériteraient d’être cités. Mais c’est vrai qu’il y a peu de grandes œuvres. Il y a « Orange Mécanique », qui est une adaptation… le « Solaris » de Tarkovsky que j’adore, même s’il est d’un abord plus difficile. Les œuvres originales sont plus rares.

Quel est ton film hors science-fiction préféré ?

Oh, j’en ai plein ! « Fitzcarraldo », avec Klaus Kinski, « Délivrance », même « Zardoz », qui est considéré absolument à tort comme un nanar. Ou des films récents comme « Fight Club ». Je trouve que c’est une grande comédie. Finalement, je trouve que c’est dans le genre de la comédie que la SF fait des trucs très bien. Comme par exemple « Starship Troopers », qui est une comédie et qui est un grand film politique ; il a été décrié comme le livre Rêve de Fer de Spinrad le fut en son temps, par une critique totalement imbécile. Mais c’est un film qui se venge sur la durée. Il commence à être considéré comme un grand film, à juste titre. À l’époque, je l’avais défendu et je suis fier de l’avoir fait.

Quel livre d’un autre auteur aurais-tu désiré avoir écrit, soit parce que tu es jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que tu aurais traité l’idée d’une autre manière ?

Noô de Stefan Wul, évidemment… Oh, il y en a plein. Mais oui, Noô me vient d’abord en tête, parce qu’il a été mon livre de chevet pendant plusieurs années.

Qu’est-ce qui t’énerve ?

Oh, plein de choses. C’est une motivation pour écrire, alors je ne m’en plains pas.

Quel est le don que tu regrettes de ne pas avoir ?

Celui de musicien. Sinon, la peinture, que je n’arrive pas à apprécier. C’est quelque chose qui me reste étrangement imperméable. Je regrette de ne jamais avoir éprouvé d’émotion esthétique en contemplant un tableau classique. Ce que j’arrive à avoir par exemple sur une bande dessinée, je n’arrive pas à l’avoir sur des tableaux classiques figés. J’ai besoin d’avoir une histoire sur laquelle me reposer. Pour apprécier graphiquement quelque chose, il faut que je lise une histoire en même temps, sinon l’émotion est plus dure à arriver. C’est pour ça que la bédé est une de mes passions. Comme le cinéma, d’ailleurs. J’aime aussi beaucoup les musiques de films, que j’écoute depuis que j’ai quinze ans.

Quel est ton rêve de bonheur ?

Aucun. Je n’y crois pas.

Par quoi es-tu fasciné ?

Je suis fasciné par le talent et le génie de certaines personnes. Par l’accomplissement de certaines choses. Par exemple, le fait qu’un auteur comme Brussolo arrive à avoir fait un nombre d’excellents bouquins… C’est le talent dans la continuité qui m’épate. On peut faire un chef-d’œuvre, comme Daniel Keyes par exemple avec Des fleurs pour Algernon (la nouvelle, pas le roman !). Mais je suis fasciné par les écrivains qui arrivent à en faire quelque chose de naturel au bout d’un moment, alors que beaucoup de créateurs aimeraient n’avoir fait qu’une seule de leurs œuvres.

Tes héros dans la vie réelle ?

Aucun. Je suis trop individualiste pour croire dans les héros ou autres hommes providentiels.

Si tu rencontrais le génie de la lampe, quels seraient tes trois vœux ?

Quels seraient mes trois vœux… Non, sérieusement, ça mérite réflexion.

Alors tu me répondras par mail !

Promis, dans quelques années.

Ta vie est-elle à l’image de ce que tu espérais ?

Euh… mieux parfois ! Je n’imaginais pas pouvoir vivre un jour de ma plume – même s’il s’agit parfois de survie. Je n’imaginais d’ailleurs pas être capable d’écrire un bouquin quand j’étais ado. J’espérais pouvoir faire quelque chose qui ait trait à la science-fiction, mais je n’espérais pas devenir écrivain de SF. Encore moins pouvoir un jour faire un scénario de BD ou collaborer à un film de SF. Même si ce dernier n’a pas vu le jour, cela a été une expérience extraordinaire. Je m’apprête à collaborer à un jeu vidéo, qui est aussi une de mes passions. Voilà, ça arrive.

Cite-nous 5 choses qui te plaisent.

C’est le genre de question qui me dérange, parce que j’aime trop de choses. C’est comme citer les cinq meilleurs écrivains de SF, c’est difficile parce qu’en fait, il va m’en revenir d’autres. L’idée d’emmener dix bouquins sur une île déserte, ça ne rentre pas dans ma façon de penser. Donc je ne sais pas. Sur le moment, j’en trouverais probablement, mais je le regretterais très vite.

Cinq choses qui te déplaisent, ça sera pareil ?

Là, c’est plus facile ! (Rires) Les « détestations », c’est toujours lié à l’actualité. D’une manière générale, je ne suis pas d’un tempérament à détester. Mais là où je ne me reconnais pas dans la société française actuelle, par exemple, c’est l’idée d’homme providentiel qui a été celle de la dernière campagne présidentielle. Côté gauche comme côté droite, d’ailleurs. Je ne vais pas privilégier l’un à l’autre. L’idée qu’on puisse confier sur un acte de foi son destin… c’est une forme de pensée magique, et je suis hermétique à ce type de pensée. L’homme providentiel, c’est un reliquat de pensée magique que je n’aime pas, qui pour moi rentre dans la même catégorie que les sectes, la religion. C’est-à-dire : abandonner son destin à quelqu’un ou une instance supérieure. Cela me met profondément mal à l’aise.

Last but not least une question classique : tes projets ?

Les choses en cours, déjà : terminer « Hordes », ma trilogie de fantasy, où je parle justement du destin individuel et de la tentation de l’abandonner pour un destin universel. Mes autres projets… La co-scénarisation d’un jeu vidéo, plus ou moins de SF. Donc c’est un vieux rêve, que j’avais quand j’étais en sixième, qui va devenir réalité. La direction d’une collection de science-fiction, les « Trésors de la SF » – des rééditions uniquement, dans des volumes omnibus. Là encore, l’une de mes vieilles passions va se trouver comblée, qui est celle de faire lire et de faire la promotion d’auteurs qui tombent peu à peu dans l’oubli.

Et ça va paraître quand ?

Les deux premiers volumes des « Trésors de la SF » paraîtront en juin prochain. Ce sont des volumes omnibus et il y en aura quatre par an. C’est Bragelonne qui m’a proposé cette direction de collection ; moi qui m’étais promis de ne jamais diriger une collection de ma vie, j’ai dit oui, parce que j’ai tous les avantages sans les inconvénients. Je n’aurai pas à choisir entre des textes d’auteurs non publiés dont la vie en dépend ! Donc je suis ravi.


À part ça…

Mémoria, un space opera, va paraître en juin prochain, au Bélial’, un peu dans la lignée de La Mécanique du Talion, mais plus centré sur le personnage principal. Donc je suis ravi, il y a une couverture de Manchu qui est absolument géniale. Je suis aux anges. En plus j’ai adoré travailler avec Olivier Girard. On est sur la même longueur d’ondes. Et puis une aventure d’Omale (NDLR : « L’affaire du Rochile ») qui vient de paraître chez ActuSF. En attendant une reprise du cycle chez un autre éditeur. Plus des traductions.

Interview 1 ici
Critiques "Ascension du serpent" et "Mécanique du talion"

Type: