Étoiles rouges, la littérature de science-fiction soviétique

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Co-responsable du domaine russe dans la revue Galaxies, Patrice Lajoye est l’auteur de l’anthologie Dimension URSS, parue chez Rivière Blanche en 2009, que j’avais fort bien critiquée ici même.

Cette fois, il publie un essai sur l’évolution de la SF durant la période soviétique (1917-1992). C’est aussi un guide de lecture, comportant bon nombre de résumés de romans ou de nouvelles. Car, selon les mots de Lajoye, « La SF soviétique a bel et bien produit quelques chefs-d’œuvre », et il veut nous les faire découvrir.

Après une petite introduction consacrée à l’époque tsariste et à l’apparition en Russie du « fantastique scientifique » – telle est l’appellation russe de « science-fiction » –, il aborde de plain-pied le monde moderne avec ce qu’il considère comme « un petit âge d’or : le temps de la NEP, de 1917 à 1929 », malgré une orientation particulière. En effet, le genre est considéré comme un outil de vulgarisation scientifique, en vue d’aider l’homo sovieticus à créer une société nouvelle et juste. Il cite Aelita d’Alexis Tolstoï et La Plutonie de Vladimir Obroutchev, les romans de Beliaev et de Boulgakov, mais aussi la fameuse dystopie Nous autres de Zamiatine.

L’entrée de Staline sur la scène politique amorce une période de déclin littéraire, qui durera jusqu’à 1955 environ. C’est l’apogée du « réalisme socialiste » : la SF n’est plus que didactique. De 1955 aux années 1970, l’URSS connaît une deuxième phase de croissance, couronnée par la parution, en 1957, de La nébuleuse d’Andromède, d’Ivan Efremov. Ce roman lancera une nouvelle mode, celle du space opera. En outre, les amateurs découvrent des auteurs américains tels Asimov, Bradbury ou Clarke, dont les premières traductions paraissent. Le thème de l’exploration spatiale a le vent en poupe. Apparaissent aussi les frères Arkadi et Boris Strougatsky, rapidement devenus incontournables par l’intelligence de leurs romans (Le scarabée dans la fourmilière, Stalker). Les années Brejnev amèneront une nouvelle stagnation due à une censure féroce des autorités : la SF sert à promouvoir le progrès technologique. À partir des années 1980 apparaissent les prémisses d’un renouveau, les fanzines abondent et les textes sont de plus en plus intéressants, délaissant un peu l’espace pour aborder l’écologie ou l’évolution sociale. Les auteurs rédigent alors leur conclusion, l’URSS disparaissant en 1991.

 

Que s’est-il passé après l’implosion ? La situation serait un peu similaire à la nôtre. La SF s’écrit toujours, mais se voit sérieusement concurrencée par le thriller ou la fantasy, ainsi que, dans un autre media, par les séries télé ou les jeux. Mais, concluent les Lajoye, la SF « reste un genre vivant, capable de produire de grands romans ».

 

La partie bibliographique est étendue : outre un petit cahier d’illustrations et un index, elle comprend une liste d’essais sur la SF en général, sur la littérature et la SF soviétique et enfin, le recensement complet de tous les romans ou nouvelles cités, avec, le cas échéant, la mention, « inédit en français ».

 

Un ouvrage remarquable, à tous égards, très chaleureusement recommandé.

 

Viktoriya et Patrice LAJOYE, Étoiles rouges : la littérature de science-fiction soviétique, Éditions Piranha 2017, coll. Incertain futur, ISBN 978-2-37119-074-0, 315 p., 26,50 €.

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