DELPORTE Emmanuel 02

Auteur / Scénariste: 

Petite présentation pour nos lecteurs : qui êtes-vous ?

Bonjour, je m’appelle Emmanuel Delporte. J’ai 38 ans, deux enfants, j’habite en Bretagne où je travaille comme infirmier. Et donc, j’écris.

 

Comment en êtes-vous venu à l’écriture ?

Je me suis retrouvé à écrire sans vraiment y penser. J’avais des choses en moi qu’il fallait que je fasse sortir d’une manière ou d’une autre. J’ai réalisé très vite qu’écrire me faisait du bien et calmait mes insomnies.

 

A quel âge avez-vous commencé à écrire ?

Assez tôt, dès la fin de l’école primaire. J’ai écrit ma première nouvelle au collège et ma première novella a suivi peu après.

 

Vous souvenez-vous encore de vos premiers textes ? Que sont-ils devenus ?

Je me souviens en effet de ma première nouvelle et de ma novella. Il s’agissait de récits de genre fantastique, auxquels j’avais intégré une dimension philosophique. Je pense que le premier était à peu près incompréhensible et le second très naïf. Ils sont sur mes disques durs.

 

Comment écrivez-vous ? Est-ce une profession pour vous ?

Ce n’est pas ma profession, puisque je ne gagne pas ma vie avec. J’exerce le métier d’infirmier. Mais j’écris dès que je peux. Tout se passe d’abord dans ma tête. L’action d’écrire, c’est-à-dire de taper les mots sur le clavier, est l’aboutissement d’un processus intellectuel. Comme des tâches de fond qui tourneraient en arrière-plan. Je me fixe des objectifs d’écriture, pas en nombres de signes ou de pages, mais en terme de projets. J’ai levé le pied cette année, par rapport aux années précédentes. Je ne réponds plus aux appels à texte. Je me concentre sur les romans.

 

Quelles sont vos autres passions ?

Lire, bien entendu. Romans, nouvelles et bandes-dessinées. J’aime aussi le cinéma et les séries (ce n’est plus incompatible). J’aime voyager. Je joue au basket, mais l’âge me rattrape. J’aime écouter de la musique. J’aime passer du temps avec ma famille et mes amis, organiser des bonnes bouffes. En gros, profiter de la vie.

 

Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon vous, le rôle de l’auteur dans notre société ?

Comme je le disais, je n’ai pas eu le sentiment de choisir d’écrire. Je ne me suis jamais dit « Tiens, si j’essayais d’écrire ? ». C’est venu tout seul. Mais une réflexion concernant l’écriture ou le rôle de l’écrivain est née par la suite. Selon moi, les auteurs sont indispensables. Vivre, s’établir en société, ne peut pas se limiter à travailler, consommer, mourir. Nous sommes des êtres illuminés, pas des machines. Nous avons besoin de réfléchir à notre propre condition. Même si elle vise parfois à divertir, l’écriture possède toujours cette dimension métaphysique qui nous pousse à nous interroger. Ce n’est pas pour rien que les dictatures s’en prennent aux écrivains, aux philosophes, aux penseurs. Quelqu’un qui ne réfléchit pas, qui subit, est quelqu’un que l’on peut manipuler plus facilement.

 

La subversion, l’engagement politique ont-t-ils toujours leur place dans le choix d’écrire de la science-fiction plutôt qu’autre chose ?

La science-fiction a toujours eu un rôle prépondérant de questionnement philosophique et politique, en nous poussant à imaginer ce que peut être le futur. Aujourd’hui, un pan de la SF américaine penche à droite, voire à l’extrême droite (recherchez Theodore Beale, alias Vox Day, sur google), mais la SF a le plus souvent penché à gauche, soit pour dénoncer le totalitarisme (1984, Le meilleur des mondes, Fahreneit 451, les romans d’Ayerdhal), la surconsommation (Soleil vert), notre rapport à la réalité et à ce qui fait de nous des humains (les romans de Philip Dick, La horde du contrevent), ce qui se passerait si l’on détruisait notre monde (Niourk, Ravage, La route). Notre monde actuel ressemble beaucoup aux mondes décrits par les écrivains de SF il y a 50 ans. Les questions qu’ils posaient alors prennent aujourd’hui tout leur sens, ce qui est plutôt terrifiant. 1984 ne s’est jamais aussi bien vendu, il me semble.

 

Considérant Le syndrome d’Icare comme étant un livre anticonformiste, êtes-vous un anticonformiste et pourquoi ce choix de vie ?

Il faut différencier le livre et son auteur. J’ai toujours essayé de faire les choix de vie qui me correspondaient. Je ne me considère pas pour autant comme un rebelle. De loin, je ressemble sans doute à l’image qu’on peut se faire d’un Occidental moyen, bien portant et satisfait. Ceci dit, la colère qui m’animait lorsque j’étais adolescent ne s’est pas éteinte. Notre civilisation est une imposture. Mais je refuse de céder mon droit à être heureux. Je veux rester lucide quant à notre système, sans pour autant m’en exclure. Avant, je voulais changer le monde et j’ai souffert de réaliser que je n’en avais pas les moyens, ni le courage. Je m’efforce donc d’agir sur ce qui est à ma portée, être là pour mes enfants et ma femme, vivre en profitant de ma chance d’être né du bon côté de la barrière, sans pour autant fermer les yeux sur ce qui se passe autour de moi.

 

J’ai adoré Le syndrome d’Icare. Quelle raison de choisir une fausse autobiographie ?

J’ai écrit le premier jet de ce roman il y a environ quinze ans et, à l’époque, c’était une catharsis. En le reprenant plus récemment, j’en ai réécrit la majeure partie pour en faire une fiction. Mais le côté immersif, né de la rédaction à la première personne du singulier, est resté. C’est ce côté immersif qui fait la force du roman. Il y a beaucoup de moi-même dedans, même si ce moi a évolué. Mais le lecteur sent que je l’ai écrit avec mes tripes et j’imagine que cette sincérité donne de la puissance au récit.

 

Si je vous dis que ce roman m’a directement remis en mémoire des films comme Fight Club et Chute libre pour la critique de notre société de consommation. Pour l’intensité du récit, j’ajoute le livre de Scott Sigler Infection. Que pensez-vous de mes analogies ?

Je ne connais pas Infection, je vais donc m’empresser d’y jeter un œil. Pour le reste, je suis flatté ! Un film comme Chute libre, avec une star d’une dimension équivalente à celle de Michael Douglas, me semble impossible à produire aujourd’hui. C’est un film dont le propos est d’une violence extrême. Quant à Fight club, j’ai adoré le roman et j’ai dû voir le film une quinzaine de fois, même si le traitement visuel est parfois un peu trop tape-à-l’œil, et même si la seconde partie du film est un peu en-dessous.

 

Je viens d’entamer Stalingrad. Il est pile-poil dans mes goûts. La Seconde Guerre mondiale et du fantastique, je sais d’avance qu’il entrera dans mon panthéon. Le prénom du héros est celui du tireur d’élite de l’Armée rouge. Coïncidence ou non ?

Il n’y a pas de coïncidence, c’était voulu. Même si Vassili Zaïtsev n’était pas le sniper le plus « prolifique » de l’Armée rouge et que de nombreux faits d’armes ont été exagérés par la propagande de l’époque. Mon roman Stalingrad est une mosaïque d’éléments réels et fictifs.

 

Quel est votre auteur de fantastique préféré ?

Stephen King.

 

Quel est votre auteur de littérature générale préféré ?

C’est difficile de choisir. Peut-être Tom Wolfe. Son écriture est très visuelle. Il est parti du journalisme pour dériver vers l’écriture de fiction. Chacun de ses romans offre une immersion dans un univers que son regard exercé a su décoder et que son talent retranscrit à merveille. Chez les écrivains français, j’ai adoré les romans noirs de Jean-Claude Izo. C’était un grand poète.

 

Quel est votre roman de fantastique préféré ?

Simetierre de King est peut-être celui qui m’a le plus impressionné, par sa noirceur. Je l’ai lu il y a longtemps, mais son souvenir me hante.

 

Quel est votre roman hors fantastique préféré ?

Voyage au bout de la nuit. Céline est indéfendable, mais ce roman est inouï, par sa liberté de ton sans équivalent. C’est une gifle.

 

Quel est votre film de fantastique préféré ?

Shining de Kubrick, même si Stephen King l’a détesté (et bien que tu n’aimes pas trop Kubrick non plus, lol).

 

Quel est votre film hors fantastique préféré ?

M le maudit, de Fritz Lang. Chaque plan est parfait. Peter Lorre est extraordinaire. Le thème est terrible et traité sans manichéisme.

 

Quel livre d’un autre auteur auriez-vous désiré avoir écrit, soit parce que vous êtes jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que vous auriez traité l’idée d’une autre manière ?

J’ai adoré la saga Harry Potter. J.K. Rowling s’est offert un terrain de jeux sans limites et a su l’exploiter. Il s’adresse aux grands comme aux petits. Ça me fait sourire de voir le snobisme auquel ces livres sont parfois confrontés. En tant qu’auteur, on ne peut être qu’admiratif.

 

Quel est votre principal trait de caractère ?

L’impulsivité.

 

Qu’est-ce qui vous énerve ?

L’injustice.

 

Outre l’écriture, quels sont vos hobbies ?

J’aime bien les jeux vidéo, mais je manque de temps pour ça. Je fais un peu de gratte de temps à autre, mais je ne suis pas très bon.

 

Quel est le don que vous regrettez de ne pas avoir ?

Celui pour les sciences et les mathématiques.

 

Quel est votre rêve de bonheur ?

Le bonheur ne peut pas être permanent. Ce sont des instants qui se cultivent. Ce sont des moments de grâce. Être avec mes amis et ma famille, avec un pote qui joue un morceau de guitare, au soleil. Etre sur une plage à l’autre bout du monde et regarder l’horizon. Contempler les étoiles par une nuit chaude et noire, en été.

 

Par quoi êtes-vous fasciné ?

Par les gens qui dépassent leurs limites, que celles-ci soient physiques ou intellectuelles.

 

Qui sont vos héros dans la vie réelle ?

Des gens qui s’engagent, qui ont le courage de risquer leur confort et leur vie pour lutter contre les injustices.

 

Si vous rencontriez le génie de la lampe, quels vœux formuleriez-vous ? (3)

Je n’en ai qu’un. Qu’il réponde à ma question : pourquoi sommes-nous là ? Pourquoi existons-nous ?

 

Votre vie est-elle à l’image de ce que vous espériez ?

Je ferai les comptes à la fin. Si j’en ai la possibilité.

 

Citez-nous 5 choses qui vous plaisent.

Les gens qui sourient, les gens passionnés, les gens amoureux, voyager, la musique, les livres, le cinéma, faire la fête (il y en a plus que 5, désolé !).

 

Cinq choses qui vous déplaisent.

Les émissions de télé, les sociétés industrielles qui ne pensent qu’au profit, les politiciens qui ont trahi l’idéal démocratique, les responsables incompétents, les fausses idoles.

 

Pour finir, une question classique : vos projets ?

Je boucle le manuscrit d’un roman qui explore la genèse de mon personnage Ezequiel Derleth, vu dans Stalingrad et dans plusieurs de mes nouvelles. J’espère que ce sera le premier volume d’une longue série. J’ai d’autres trucs en cours d’écriture.

 

Et bien c’est terminé. Je vous remercie grandement d’avoir répondu à toutes ces questions et vous souhaite une bonne continuation.

Un grand merci à vous pour votre interview.

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