Du sel sous les paupières

Dans la Saint-Malo de 1922, la vie est rude. La brume de guerre apparue après la Grande Guerre ronge le pays. Son origine inconnue accentue la crainte qu’elle fait naître, qui reste cependant moindre que celle inspirée par le Rémouleur, une étrange créature qui sème la mort dans les alentours. A 16 ans, Judicaël survit misérablement avec son grand-père. Sa vie va basculer en quelques jours, quand son grand-père meurt et qu’il rencontre la belle Isabelle.

De l’autre côté de la mer, en Irlande, Patrick Dolan s’exile dans un petit village qui borde la forêt de Killarney. Sympathisant de l’IRA, il a l’esprit plein de légendes irlandaises, de farfadets et d’elfes. Mais la réalité n’a rien d’un conte et “l’occupation” anglaise est durement ressentie par les habitants. Le jeune homme veut aider son pays mais il va devoir pour cela faire des choix cruciaux.

Thomas Day réussit un pari difficile en proposant une aventure au parfum steampunk parsemé de touches de fantasy. L’ensemble fonctionne admirablement grâce à un texte clairement divisé. Il y a d’une part un récit sombre qui voit Judicaël lutter pour sauver celle qu’il aime, de l’autre une narration plus gaie, reposant sur deux créatures du Sidh. Si les deux aspects se rejoignent, ils ne se mélangent pas, évitant ainsi d’offrir un monde trop improbable.

L’auteur met en scène le début des années vingt avec aisance, la figure de l’Apache (Judicaël) étant une image typique de l’époque. Judicaël est un héros attachant malgré sa violence, pour son envie de lutter et son grand cœur. L’aspect politique irlandais, s’il est exposé, ne constitue pas un élément central du roman. Si certains peuvent reprocher à la partie steampunk une base scientifique incertaine, ce texte optimiste et réjouissant procure un vrai plaisir.

Du sel sous les paupières, de Thomas Day, illustré par Aurélien Police, aux éditions Folio SF