Amours sanglantes et Narconews et autres mauvaises nouvelles du monde

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Chef de file de l’Imaginaire SF belge, Alain Dartevelle est surtout connu pour ses romans : Script, Imago, Duplex, ou La Chasse aux spectres. Il est aussi l’auteur de très nombreuses nouvelles regroupées en recueil, comme Terrestrial Parade et autres manipulations ou le très curieux Treize fois moi, sans oublier plusieurs romans jeunesse. Et voici que cette année 2011 nous offre deux nouveaux recueils, parus presque simultanément.

Amours sanglantes


“Huit histoires dont le fil conducteur, aussi rouge que le sang qui les entache, est apparemment l’amour fou des femmes” décrit le quatrième de couverture. Oscillant sans cesse entre fantastique et science-fiction, Dartevelle distille insidieusement sa petite musique inquiétante dès l’initial Les cadavres de l’amour, suivant un tueur amoureux de prostituées. Sa froideur est effroyable. Dans Boulevard des allongées, un autre tueur a-t-il vraiment assassiné dans un quartier de Liège qui n’existe plus ? Noctambule pyromane, possédé ou fou de bagnoles, le héros de Dartevelle sera toujours original. Fred Kador, par exemple, humanoïde qui récupère “physiquement” les créances de débiteurs (Sans coeur). Ou cette Isa Telex qui dans Pop Art Inc., vampirise l’inventeur du téléchargement d’oeuvres originales en trois dimensions inspirées d’Andy Warhol. Elle fera tout exploser : amours sanglantes ! La plus belle nouvelle, sans conteste, me semble être Mégalomanie. Complexe Paradise est un monde clos, idéal, totalement séparé de l’extérieur par la Grande Barrière. Mais Manfred voudrait voir ailleurs, voudrait voir de quoi est fait “l’envers du décor”. Il réussira, à son plus grand effroi, et ne reviendra à son petit, très petit, univers qu’in extremis. La description du “vrai monde” est saisisssante. Un texte magistral.

Narconews et autres mauvaises nouvelles du monde


Dans ce second recueil, le style très pensé d’Alain Dartevelle se révèle tout aussi excellent décortiqueur d’émotions que dans le premier. Mais de manière fort différente. Plus branchées sur l’actualité, les actions se déroulent souvent dans une “Bruocsella” parallèle, mythique. Les textes réjouiront les Belges, qui y liront quantité d’allusions à la situation politique actuelle. Le “monde” du sous-titre est-il belge ? Jouer l’avenir de la Belgique au casino ? Tel est le thème de Geomantic. Et la partition du pays est au centre de la nouvelle Les beaux restes, que l’on pourrait qualifier d‘héroï-comique funèbre, “émission de fin de soirée dont le générique défile maintenant, à point nommé, sur l’image figée de ce salon de charme dont une main féminine vient de tirer les tentures”. Les derniers jours de mon pays participe de cette même mélancolie, de cette approche d’un écrivain sur ces “parodies de lutte à mort sur champ de foire”. Le spectre de l’uchronie plane sur le recueil, dès le premier récit Europe etcaetera, dans lequel un journaliste tue un homme politique grec hostile à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Mais l’humour sauve l’humeur pessimiste de l’auteur. Même si le président Barock Ousmane Obamo II se fait assassiner dans Ecce Homo. Même si Robert Botilde dans Democrazy passe de l’Ivoryland en Pharaonie puis en Bourguibie pour finir par errer à Bruocsella. Bref poème en prose, la nouvelle éponyme finale regoupe tous les thèmes du recueil en un éblouissant florilège, “va-et-vient affolant et glorieux entre des geysers d‘images”

- Amours sanglantes, L’Age d’homme, Lausanne 2011, 109 p., 15 euros

- Narconews et autres mauvaises nouvelles du monde, 14 euros, Editions Murmure des Soirs, 87 p.
Site de l’éditeur : http://murmuredessoirs.com/

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