Colloque de Cerisy : autour de Stephen King, l'horreur contemporaine

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Ce volumineux ouvrage, coordonné par Guy Astic et Jean Marigny, rassemble les actes du colloque qui s’est tenu en 2007 au château de Cerisy-la-Salle, en Basse Normandie. Agencé autour de la figure incontournable de Stephen King, qui popularise depuis plus de trente ans les littératures de l’horreur et du fantastique auprès du grand public, ce recueil d’essais en tous genres (littéraires, cinématographiques, sociologiques...) vise à faire le bilan de la production contemporaine en ces domaines. Un vaste panorama des auteurs-phare du genre (de Poppy Z. Brite à Neil Gaiman) et des films marquants en la matière est proposé au fil des pages souvent passionnantes de ce livre-somme.

La première partie de l’ouvrage est donc consacrée à l’oeuvre du fameux écrivain du Maine, irrésistible et prolifique succession de « best-sellers » depuis les années 70 du siècle dernier. Les thèmes fondamentaux qui reviennent hanter ses romans l’un après l’autre sont analysés successivement : maisons hantées (l’hôtel Overlook de « Shining » renvoyant à la fameuse « Maison Usher » d’Edgar Allan Poe), révolte des objets, réflexion sur l’acte d’écrire (on pense aussitôt à « Misery » et à « La Part des Ténèbres »), rôle crucial de l’enfance (les enfants sont « doués pour la peur »), multiples références religieuses...

La seconde partie se penche quant à elle sur la floppée d’auteurs de talent dont la production se trouve quelque peu éclipsée par le succès commercial sans précédent rencontré par Stephen King : rôle des lieux maléfiques dans l’oeuvre de King (gothique) et celle de Serge Brussolo (schizophrène et bariolée) ; figure du fantôme dans les ouvrages de Peter Straub ; pornographie horrifique chez Poppy Z. Brite ; abus multiples perpétrés dans la création dionysiaque de Clive Barker...

La troisième et dernière partie du livre aborde pour sa part l’horreur visuelle, celle qui se répand dans les salles obscures à travers le monde. Il est ici question des adaptations cinématographiques des oeuvres de King (« La Ligne Verte », « Carrie », « Dead Zone »...), mais également de films et de cinéastes officiant dans le genre ou à ses marges : Bruno Dumont pour son long-métrage « Twentynine Palms » ; la trilogie « The Descent » / « Creep » / « La Crypte », qui emprunte à Jules Verne autant qu’au cinéma gore...

Au final, la lecture de ce pavé s’avère éminement enrichissante, sans jamais se révéler ennuyeuse ou absonse. Les articles abordent les divers sujets traités selon des angles originaux qui permettent tout à la fois de faire le tour de la question (du moins, une partie du tour...) et de glaner des réflexions stimulantes, susceptibles d’amener le lecteur à poursuivre son analyse par lui-même. Au sortir, on apprécie encore davantage l’incomparable talent de conteur de Stephen King, que beaucoup voudraient réduire à un simple auteur de seconde zone du seul fait qu’il rencontre un juste succès commercial. On prend ici conscience de la richesse de son oeuvre, constituée d’une multitude de couches qui risqueraient de passer inaperçues si l’on s’en tenait à une lecture trop superficielle de ses romans. Mais les actes de ce colloque permettent aussi de goûter à leur juste valeur les ouvrages rédigés par des auteurs tout aussi passionnants qui, en sa compagnie, contribuent grandement à la richesse de la production horrifique contemporaine.

On regrettera toutefois le prix un rien prohibitif de ce recueil d’essais (40 €), qui risque d’en dissuader plus d’un d’aquérir un livre qui mériterait une large diffusion, du fait des nombreuses clefs de compréhension et d’analyse qu’il fournit au fil de ses pages érudites.

Vivement conseillé !

Collectif, Colloque de Cerisy : autour de Stephen King, l’horreur contemporaine, 372 p., Bragelonne

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