Black-out

Auteur / Scénariste: 
Traducteur: 

Connie Willis revient à un thème qu'elle a déjà attaqué : celui des voyageurs du temps et de leurs craintes face aux paradoxes, de leurs difficultés d'adaptation, etc. En 2060, le voyage dans le temps est réservé aux seuls historiens envoyés par la faculté d'Oxford. Le procédé est considéré comme à peu près sûr, on sait que les éventuelles modifications sont corrigées par une sorte d'élasticité de l'histoire, laquelle se manifeste d'ailleurs par des décalages imprévisibles, dans le temps ou dans l'espace, par rapport à l'endroit et au moment d'arrivée fixée. Le docteur Dunworthy, responsable du planning des missions, s'inquiète toutefois des théories émises par un de ses collègues qui envisagent le déraillement du système. Ce qui ne l'empêche pas d'envoyer un certain nombre d'historiens en différents sites de la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs d'entre eux, répartis en différents lieux et dates de l'année 1940, vont peu à peu prendre conscience d’anomalies, des faits anormaux, non conformes aux archives consultées avant leur départ - et surtout le non-fonctionnement de leurs sites de retour. Le roman alterne les différentes histoires, en suivant pour chacun des personnages l'ordre des évènements pour lui. Mais pour le lecteur cela fait des retours en arrière incessants, suivant le mode d’écriture multi-intrigues et multi-chronologies qui devient trop fréquent en littérature, et particulièrement en SF, depuis qu'il est apparu dans Stand on Zanzibar. Ce mode d'écriture, qui oblige le lecteur à une attention constante, à la gestion dans sa tête de plusieurs fils d'intrigue et de chronologie et à de fréquents retours en arrière, aide parfois à la mise en place du cadre et des explications. Il est utiles, aussi, quand il est important de bien présenter un cadre historique très particulier, celui de l'Angleterre de l'année 40, en particulier de Londres sous le Blitz. Mais il alourdit un récit déjà trop long et trop détaillé.

Et tout cela pour mettre en place la situation des quatre personnages qui vont se retrouver à Londres sous les bombardements fin octobre 1940. Deux d'entre eux ne devraient plus être là, leurs missions se passaient respectivement en mai et en juin mais les circonstances et le non-fonctionnement de leurs points de retour les ont obligés à essayer de retrouver la troisième, qui devait observer le Blitz. Et, s'étant retrouvés, ils vont chercher un quatrième, qui aurait dû arriver en octobre, mais ils ne savent pas où...

Les précédents textes sur le même thème des voyages d'historiens dans le passé traitaient essentiellement de leurs problèmes d'adaptation à des sociétés anciennes (Sans parler du chien : c'est une chose de lire encore Trois hommes dans un bateau en 2060, c'est autre chose d'essayer de se comporter de manière conforme aux règles de la société qui est décrite dans ce roman ; Les Veilleurs du feu : comment observer le Blitz, et en particulier le bombardement du 29 décembre 1940 qui a failli détruire Saint-Paul, et comment ne pas causer une catastrophe en essayant d'intervenir). Mais là, la question qui se pose aux voyageurs est de savoir si le système qui a permis de partir ne s'est pas déréglé, et s'il reste une possibilité de retour. D'autant plus que Polly, celle qui a étudié le Blitz, ne connaît les endroits dangereux que jusqu'à fin décembre 1940. Le lecteur soupçonne, d'ailleurs, que c'est la nuit du 29 décembre, celle du bombardement de Saint-Paul, déjà sujet de plusieurs récits de Connie Willis, qui couronnera le second tome mais les héros n'en savent rien.

Et c'est sur cette interrogation effroyable que s'interrompt le livre. Qui aura la patience d'attendre la parution du second volume, All clear ?

 

Black-out par Connie Willis, traduit par Joëlle Wintrebert, J'ai Lu SF n° 10664, 2014, 797 p., 9€90, ISBN 978-2-290-07102-1

Type: 

Ajouter un commentaire