Erreur dans la nuit (La)

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Grand connaisseur du fantastique anglo-saxon (Rider Haggard, Le Fanu), auteur par ailleurs d’un incontournable Panorama de la littérature fantastique américaine (Editions du Cefal), Jacques Finné traduit et fait publier depuis de longues années des recueils de nouvelles d’écrivains souvent inconnus chez nous. Rappelons-nous, exemple parmi d’autres, le remarquable Les fantômes des victoriennes , paru chez José Corti.

Tel est aussi le cas d’Edward Frederic Benson (1867-1940) auteur pourtant fort célébré en Angleterre. Lovecraft le cite dans son Epouvante et surnaturel en littérature (1927) : « La nouvelle fantastique se porte bien ces temps derniers, avec notamment l’importante contribution de l’universel E. F. Benson ». Benson connut le succès par son roman Dodo (1893) puis par les séries tardives Queen Lucia et Miss Mapp, dans les années 1920, romans de satire sociale. En ce qui nous intéresse, Benson s’inscrit dans la tradition de la « ghost story » anglaise (il a habité Lamb House, l’ancienne maison de Henry James, à Rye).

A en juger par les douze nouvelles ici publiées, écrites de 1912 à 1934, Benson est en effet un digne héritier de la mode des histoires de fantômes. Certes, comme l’écrit Finné, il ne s’est pas limité aux fantômes. Vampires, occultisme, forces psychiques l’ont également attiré. Et surtout, la lutte entre le Bien et le Mal, fondement d’une pensée élevée dans un monde religieux (son père était archevêque de Canterbury). Malgré ce passé très typé, Benson peut encore nous intéresser, nous passionner même. Car il est pour nous, lecteurs du XXIème siècle, un archétype d’un style canonique assez exemplaire, qui risque de fasciner les historiens du genre, mais aussi les simples amateurs d’histoires frissonnantes. Les textes suivent un canevas classique : description du milieu, souvent pleine d’atmosphères (une prison, une pension de famille, une villa isolée), exposition, dénouement et chute. Passons sur les trois premiers récits, conventionnels (le meurtrier revient sur les lieux), pour arriver à La confession de Charles Linkworth, exécution d’un matricide, ou L’incendie de la ferme, beau portrait d’une femme rongée par l’alcool, mais qui redevient belle par la vengeance. Lovecraft admirait Le visage. On le comprend. Un rêve prémonitoire annonce chaque fois à l’héroïne une autre rêve terrifiant. Un jour, elle rencontrera vraiment le personnage qui la hante, même s’il est mort depuis 200 ans. La pendaison d’Alfred Wadham relate un affreux conflit : un prêtre peut-il briser le secret de la confession du vrai meurtrier pour éviter la mort d’un innocent ?

Arrivé à ce moment du recueil, le lecteur s’émerveillera de plus en plus, car les nouvelles s’avèrent de plus en plus riches. La maison du coin et Le fauteuil roulant cernent des haines de femmes inextinguibles, qui iront jusqu’à la mort par la terreur. La haine profonde imprègne aussi Le lit près de la fenêtre. Les deux dernières nouvelles sont plus étranges. Si Le sanctuaire a des relents lovecraftiens (un oncle mort hante la maison, il est pourri par d’horribles mouches), Pirates enchantera ceux qui aiment le fantastique nourri par la nostalgie. Texte autobiographique, pour sûr. L’auteur retourne aux endroits de son enfance, mais pas vraiment pour eux-mêmes : « (…) il ne voulait que les jours où il y avait vécu ». Et la famille est là, qui l’attend. Il y a du mythe là, j’ai pensé au Lavondyss de Holdstock.

La postface de Jacques Finné cerne l’écrivain au sein du « clan Benson », car clan bizarre il y avait, puis analyse brillamment l’originalité de l’œuvre ainsi que ses thèmes principaux, comme l’homosexualité latente, la femme moteur de haine, l’angoisse métaphysique envers les puissances du Mal ou le retour panique de souvenirs enfouis. Une belle découverte.

Edward Frederic BENSON, La terreur dans la nuit, recueil traduit et postfacé par Jacques Finné, Domaine romantique Editions José Corti 2013, www.jose-corti.fr, 272 p., 21 euros.

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