Aux douze coups de minuit

Auteur / Scénariste: 

Déjà auteur de plusieurs textes parus aux éditions Otherlands et Luciférines, Emmanuel Delporte, délaisse un instant les anthologies pour écrire son propre recueil. Avec Aux douze coups de minuit, il signe un premier ouvrage aussi angoissant que torturé.

 

La cave s’inscrit comme une rapide introduction au recueil ; un avant goût glauque et alléchant de l’horreur à venir.

Un homme est prisonnier, peu à peu nous allons comprendre pourquoi, découvrir l’histoire froide et tranchante d’un protagoniste abject, anti-héros dangereusement dément.

Ce premier récit joue sur nos phobies sans pitié aucune, éveillant chez le lecteur une répulsion proche de l’insoutenable. Bien que court, ce texte vous marquera éternellement.

 

La chance des uns est une réflexion sur la condition animale. Ici l’humain n’est rien moins que du bétail sous le joug d’une espèce dominante avide de chair. Une nouvelle choc qui vous glacera les sangs et convertira même les grands carnivores au végétarisme.

 

Les reflets brisés : peut-être moins original que les deux précédents, ce récit reste bien mené. Deux adolescentes visitant une maison hantée, une trame classique pour un frisson assuré.

 

Le portrait nous transporte dans l’esprit torturé d’un meurtrier en proie au remord. Un peintre ivre, sujet à la peur de l’abandon contemple le portrait de celle qu’il a dessinée puis tuée.

Sous la plume d’Emmanuel Delporte, l’homicide sublimé par l’art touche au romantisme.

Un bel hommage à Oscar Wilde.

 

Baby sisters met en scène une jeune nourrice modèle aux mœurs finalement moins exemplaires que ne le laissait présager son aspect. Engagée par un étrange couple pour garder deux enfants aux noms démoniaques - Lilith et Damien - la jeune femme connaîtra une expérience glaçante à l’issue tragique. Méfiez vous des des apparences !

 

De vieux souvenirs voit un veuf et son fils emménager dans une masure délabrée en Bretagne pour fuir leur passé. Rapidement, le père découvre un laboratoire secret et un vieil appareil photo dissimulés dans la demeure. Peu à peu l’adolescent taciturne s’improvise photographe et reprend goût à la vie. Mais le bonheur sera de courte durée. Une histoire de possession aussi effrayante que poétique.

 

Avec Diplopie, nous plongeons une fois de plus aux tréfonds de l’âme humaine dans toute sa noirceur. Frank Rice loser patenté, alcoolique et mauvais père, maltraite ses enfants dans un délire aviné. Cependant, les monstres ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

Un récit angoissant, bouleversant mais aussi une belle leçon de vie et d’espoir. Âmes sensibles s’abstenir.

 

Impasse : un jeune plombier breton vole au secours de l’un de ses clients. Au volant de sa voiture, il emprunte une route déserte aussi interminable qu’inquiétante. Il poursuit son chemin tout à ses pensées quand soudain se mêle au récit la magie propre à la terre de Brocéliande.

Un dénouement inattendu qui donne à réfléchir et vous laissera sans voix.

 

Amnésie : un chasseur de démons, un bijou maudit et une femme exécrable avide de pouvoir ; une recette classique qui plaît toujours autant. Ce n’est pas après avoir lu ce texte que l’on prétendra le contraire.

 

NRBC : Cette nouvelle au titre énigmatique prend la forme d’un journal rédigé par une petite fille. Chronique innocente d’un monde cataclysmique vu par les yeux d’une enfant, ce récit post-apocalyptique diffère de tous les textes que l’on peut lire en la matière. Loin de répondre à un phénomène de mode. La nouvelle d’Emmanuel Delporte est inventive, émouvante. On versera même quelques larmes.

 

Les larmes amères : un laboratoire futuriste, des scientifiques sans scrupule, un étrange virus et une mère qui cherche partout son enfant disparu, l’auteur a conscience de la suffisance de l’homme et de ce qu’il est prêt à faire pour dominer l’autre, s’arroger les pleins pouvoirs. Il partage ici son terrifiant constat avec brio.

 

Un jeu dangereux : Une adolescente révoltée sur une route de campagne en pleine nuit. Elle fuit sa famille et les maltraitances, part en guerre contre le monde. Mais la guerre n’est pas un jeu pour les petites filles. Un texte qui vous remue, vous colle à la peau.

 

Ces douze nouvelles percutantes ne vous laisseront pas de marbre. Un style moderne, cru, au service d’une profonde réflexion quant à la noirceur humaine. Les protagonistes sont des anti-héros, souvent détestables, parfois attachants. Sous couvert de fantastique, c’est une critique de l’homme qui nous est servie. Emmanuel Delporte frappe juste et fort : épouvantable, glaçant ce recueil laisse une légère sensation de malaise.

La plupart des récits se déroulant au cœur de Brocéliande, le touriste avisé changera assurément de destination après leur lecture.

 

Interview d'Emmanuel Delporte ici

Aux douze coups de minuit, par Emmanuel Delporte, avril 2015,éditions Otherlands

Type: 

Ajouter un commentaire