Anthologie Destination Mars : interview à plusieurs voix

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Quelques auteurs des nouvelles de «  Destination Mars » répondent en chœur (autre critique Destination Mars)

Pourquoi Mars vous fascine-t-elle ?

Jean-Pierre Andrevon

Mars ne me fascine pas spécialement. C’est un souvenir de lectures de gosse, une nostalgie qui peut encore fonctionner, mais seulement pour des écrits.

Thierry Di Rollo

À cause de sa couleur, ce rouge orangé très intense. Et puis aussi par ses paysages désolés, à perte de vue.

Brice Tarvel

N’ayant jamais eu l’occasion de la contempler dans un télescope, n’étant parvenu à l’approcher qu’à l’aide de mes cellules grises, la planète Mars m’a fasciné avant tout par la lecture ou le visionnage des très nombreux récits qu’elle a inspirés. Le fait qu’elle soit rouge n’est sans doute pas étranger à l’attirance que nous éprouvons pour elle. La couleur rouge n’exerce-t-elle pas une attraction sur les taureaux, les grenouilles et bien des prédateurs ?

Dominique Douay

Je me bornerai donc à constater qu’aujourd’hui même je suis tombé par hasard sur le site de l’Agence spatiale européenne où j’ai découvert une vidéo faite à partir d’observations réalisées par le satellite de cartographie Mars Express alors qu’il survolait Valles Marineris, un ensemble de canyons situé non loin de l’équateur de la Planète rouge. Avec ses 4 000 kilomètres de long, 200 kilomètres de large et 10 kilomètres de profondeur, il s’agit du plus grand canyon du système solaire. A eux seuls ces chiffres suffiraient à faire rêver, non ? En tout cas, cela fait déjà trois ou quatre fois que je visionne cette vidéo (dont j’ai mis le lien sur ma page Facebook, ça te permettra de la trouver facilement) et je ne m’en lasse pas. Oui, Mars fascine toujours.
Si tu y jettes un coup d’œil, tu constateras également une grande parenté entre les images de l’Agence et l’illustration de couverture de ton antho, signe que celle-ci, même si elle fait la part belle à l’imaginaire, est probablement plus proche de la réalité qu’on pourrait le penser...

Jean-Louis Trudel

Le fait est que c’est toujours la seule planète connue dont les paysages nous rappellent ceux de la Terre, à quelques cactus près. Nous en connaissons désormais la géographie, le relief, le climat, un peu l’histoire géologique. Des mystères subsistent (existence passée ou actuelle d’une vie quelconque ?). Dans un système dont les planètes sont presque toutes farouchement hostiles, Mars demeure également la destination la plus accueillante (tout est relatif).

Marc Van Buggenhout

Mars a toujours fait rêver (ou cauchemarder) les esprits curieux sur Terre. Elle se situe à une distance suffisamment éloignée pour représenter un challenge technologique et suffisamment proche pour motiver l’humanité à s’y rendre.


Daniel Walther

Mars est à la SF ce que Troie/Ilion est à l’hellénisme : la base de l’aventure héroïque, épique, absolue. Pour moi, Mars n’est pas l’astre rouge de la guerre, mais l’étoile dorée du rêve, tout proche mais toujours hors d’atteinte. E. Rice Burroughs, H.G. Wells, Ray Bradbury, tous les autres continuent d’habiter l’espace.

La terraformation. Qu’en pensez-vous, est-ce plausible, matériellement et intellectuellement ?

Jean-Pierre Andrevon

C’est un rêve. Et peut-être une possibilité qui prendrait 30 000 ans pour se réaliser. Un temps que nous n’avons pas. Sauf dans les histoires de science-fiction.

Thierry Di Rollo

Tout est possible. Il suffit simplement de laisser à la technologie adéquate le temps d’advenir. Et on finira par le faire, pour régler le problème de la démographie humaine.

Brice Tarvel

La terraformation me fait penser, en bien pire, à l’extraction du gaz de schiste et aux dégâts qui en découlent. L’homme, avec ses gros sabots, n’a, la plupart du temps, su faire sa place dans son environnement qu’en exterminant une multitude d’espèces végétales et animales, allant même jusqu’à faire disparaître en partie la glace des pôles, empoisonner l’air et l’eau. Je crains fort, si l’homme devait poser le pied sur Mars, que ce ne soit pas avec des chaussons de ballerine. Il ne paraît pas y avoir grand-chose à saccager sur la planète rouge, mais qui sait ? La terraformation est sans doute plausible, dans bien longtemps et partiellement, mais elle ne se fera pas sans factures à payer de toute nature. Intellectuellement, il est probable que l’homme saura s’adapter à la vie sur Mars. S’habituer à tout est à mes yeux une de ses rares qualités.

Jean-Louis Trudel

C’est une question de temps. A très longue échéance (environ 1,5 milliard d’années), comme le soleil se réchauffe lentement, Mars commencera à jouir de conditions de plus en plus terrestres (au sens actuel du terme). Il resterait à lui fournir une atmosphère respirable et à l’ensemencer, mais une partie du boulot serait déjà fait. Bien entendu, on ignore s’il y aura des humains à cette époque lointaine (Et la Terre, si rien n’est fait, ne sera plus habitable).

À moyenne échéance, le problème de la terraformation est à la base une question d’énergie et de matière. Il faut augmenter la présence sur Mars de certaines substances (oxygène, eau, etc.). Pour ce faire, il faut disposer de l’énergie requise pour les déplacer des endroits où il s’en trouve dans le système solaire jusqu’à l’orbite martienne. Ce n’est pas inconcevable, mais c’est techniquement très difficile. On peut parler d’un défi susceptible d’être relevé d’ici l’horizon de l’an 3000, mais pas beaucoup avant, si ce n’est que parce que certains processus exigent du temps pour être mis en branle.

Bref, c’est matériellement plausible, mais pas à court terme.

Est-ce intellectuellement plausible ? Mettons que nous n’avons aucune idée des priorités de nos descendants de l’an 3000 et que nous ne savons même pas s’ils seront encore humains à nos yeux actuels. Par conséquent, même s’ils disposaient des moyens matériels de transformer Mars, ils pourraient choisir d’en faire autre chose complètement. Un mini monde creux, une œuvre d’art incompréhensible ou un substrat informatique sous forme d’un anneau de débris...

Est-ce intellectuellement justifiable ? Dans notre système solaire, Mars est unique et jouit donc des privilèges de tout objet singulier, c’est-à-dire l’irremplaçabilité. Ainsi, on pourrait soutenir que l’unicité de Mars serait un argument en faveur de sa conservation telle quelle et contre sa terraformation. Mais si on suppose que, d’ici l’an 3000, on aura observé d’innombrables planètes semblables à Mars dans le reste de l’univers grâce à des super-télescopes (ou qu’on en aura même visitées), Mars perdrait de sa valeur. En faire une banlieue de la Terre deviendrait plus envisageable, si tant est qu’il resterait des humains pour l’habiter, ou, justement, des IA pourraient choisir d’en faire un parc pour espèces évanouies, dont l’Homme, le mammouth, etc.

Marc Van Buggenhout

La terraformation prendrait des siècles. C’est-à-dire beaucoup trop de temps. Il est préférable de créer des colonies, le jour où la Terre disposera d’une technologie suffisamment avancée pour coloniser la planète rouge.

Hugo van Gaert

Je suis persuadé qu’on y viendra. La Terre ne cesse de s’autoterraformer. Je pense que la question est celle du déclencheur. On peut imaginer de produire des bactéries adaptées au milieu en programmant une évolution de l’environnement vers une biocompatibilité. Naturellement, ça ne se fera pas en deux heures ! Mais en un ou deux millénaires !

Daniel Walther

Terraformer Mars, quel rêve, qu’il demeure inabouti ou non. Si les hommes le voulaient, le projet serait viable. Mais les rêves meurent de l’humaine paresse et de la pérenne lâcheté. Mars est maintenant connue, révélée, mais demeure à être redécouverte !

Comment il se fait que, malgré le fait que nous sommes quasi certains qu’il n’y ait pas eu de vie développée sur Mars, l’idée de Martiens avancés nous hante encore tellement ?

Jean-Pierre Andrevon

Qui cela hante-il ? Même plus les auteurs de SF.


Thierry Di Rollo

Je ne suis pas certain que cela nous hante encore. Ce qui nous obsède, c’est nous-mêmes et la propre image fantasmatique des humains renvoyée par Mars. Les petits hommes verts, cela a toujours été nous, d’une certaine manière. De ce point de vue-là, Bradbury avait raison, à mon humble avis.

Brice Tarvel

On peut imaginer que nous sommes d’origine martienne et que le retour au bercail nous titille, que nous conservons dans les plus profonds méandres de notre cerveau le très vague souvenir de la civilisation que nous avons connue là-bas. Plus sérieusement, je crois plutôt que nous sommes de grands rêveurs et que Mars est un des réceptacles parfaits pour accueillir nos errances oniriques.

Jean-Louis Trudel

Parle pour toi, Marc. :-) Je pense que c’est surtout l’influence des fictions du passé, désormais. La science-fiction du milieu du XXe siècle pouvait s’appuyer sur certains raisonnements pour imaginer des Martiens hyper-avancés, mais ce n’est franchement plus le cas aujourd’hui. Si on peut encore placer des Martiens avancés sur Mars, ce sera surtout parce que c’est un lieu vide sur notre carte du système solaire, où on peut encore disposer des espèces intelligentes (venues d’ailleurs ou d’un lointain passé), tant que nous n’aurons pas fait le tour à pied de toutes les cachettes possibles sur Mars. Autrefois, on logeait nos civilisations avancées dans les jungles les plus reculées ou dans les zones polaires, quand ces portions de notre globe restaient inexplorées. Maintenant, il y a Mars.

Marc Van Buggenhout

D’abord on a pensé que Mars était habitée et était donc une petite sœur de la Terre. Ensuite, on a toujours espérer rencontrer une autre civilisation provenant d’une planète toute proche. Mars était donc la meilleure candidate pour réaliser nos vœux, nos rêves, nos espoirs et nos craintes. Même si aujourd’hui on sait qu’il n’y a pas trace de vie intelligente sur Mars, on espère toujours que cela a été le cas, ou que cela le deviendra dans un futur pas trop éloigné.

Hugo van Gaert

Pendant longtemps, l’idée selon laquelle toute planète avait ses habitants était très répandue. Voltaire l’utilise (« Micromegas »), de Bergerac aussi, Fontenelle la développe (« Entretien sur la pluralité des mondes »), Flammarion l’entretient. Parmi les planètes, c’est Mars qui a « résisté » le plus longtemps. Et on n’est pas aussi sûr que cela qu’elle n’ait jamais abrité une forme de vie.

Enfin, pourquoi toujours Mars et pas Vénus, par exemple ?

Jean-Pierre Andrevon

Peut-être parce que l’on sait depuis longtemps qu’il y fait 430° à sa surface et que son atmosphère est composée d’acide sulfurique. Mais au temps des Martiens littéraires (les survivants blêmes vivant près des canaux), les Vénusiens littéraires habitaient les forêts profondes d’une planète qu’on imaginait telle la Terre du Jurassique, avec ses dinosaures...

Thierry Di Rollo

C’est au bout du compte, hormis la Terre, la planète la moins hospitalière du système solaire. Au fur et à mesure que la science et la technologie humaines progressent, elle nous paraît de plus en plus proche, accessible.

Brice Tarvel

Mars a la préférence parce qu’on croit pouvoir y débarquer un jour, parce qu’on a imaginé très tôt que la vie ait pu y exister. Mais les autres planètes, telle que Vénus, ne sont pas dépourvues de mystères attirants non plus.

Jean-Louis Trudel

Je travaille sur Vénus, entre autres... :-)

Marc Van Buggenhout

Parce que le rouge attire plus que le blanc dans le ciel étoilé ! Parce que le dieu de la guerre attire plus que la déesse de l’amour. Parce que Vénus est moins accueillante que Mars pour abriter une forme de vie.

Hugo van Gaert

Pour des raisons physiques. On imagine bien mieux une villégiature sur Mars que sous 92 atmosphères et 490 °C à la surface de Vénus !



Vos projets ?

Jean-Pierre Andrevon

Promouvoir et accompagner à partir d’octobre la sortie de mon encyclopédie cinématographique ; terminer un thriller commencé il y a trop longtemps (« Neuf morts par quelques nuits d’hiver »), attaquer, en vue d’une réédition globale de la série, un septième et dernier Gandahar (un préquel racontant la fondation du Royaume et la jeunesse de la future reine Ambisextra).

Thierry Di Rollo

Continuer d’avoir envie d’écrire. Ce qui, certains jours, n’est pas réellement gagné.

Brice Tarvel

Relire et corriger ma nouvelle pour l’anthologie « Légendes d’Océanie » et l’envoyer à… Marc Bailly.

Écrire deux nouvelles, SF et polar, pour les anthologies à paraître lors du salon ImaJn’ère 2014 d’Angers.

Livrer le scénario du deuxième album BD des aventures inédites de Harry Dickson (le premier album étant à paraître en octobre pour Quai des Bulles à Saint-Malo).

Écrire deux aventures de Harry Dickson, en roman, cette fois, pour le tome 4 des « Dossiers secrets », à destination des Éditions Malpertuis.

Pondre un roman gore inédit pour les Éditions Trash, chez qui mon bouquin « Silence rouge » doit être réédité à la fin de cette année.

Écrire deux fascicules pour Le Carnoplast, dont la troisième enquête de Nuz Sombrelieu, mon détective cul-de-jatte des années 20.

Quelques bricoles encore, sans parler de ce qui peut interférer en cours de route. Et puis j’aimerais bien, pour radicalement changer, m’essayer à un roman du terroir.

Jean-Louis Trudel

Nombreux.

Marc Van Buggenhout

L’écriture d’un roman de science-fiction qui se situe au 17e siècle en France et au 21e siècle en Belgique. Avec entre les deux époques, une porte temporelle. Entre drame historique, romance et science-fiction. Et puis des tas d’idées de nouvelles de science-fiction.

Hugo van Gaert

À la retraite ? Louer un pavillon sur Mars, au pied du mont Olympus, et y terraformer un coin de potager pour y recevoir mes arrière-petits-enfants !

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