Guerre, anthologie d'une belligérance (La)

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Passée la très belle illustration de couverture de Simon Goinard Phelipot, le lecteur pénètre dans un recueil abondant (14 nouvelles), touffu sans doute mais passionnant. Petit liminaire : la lecture n’est pas conseillée aux dépressifs, le thème n’étant pas vraiment divertissant. En effet, les nouvelles sont dures, parfois gore et parfois même insoutenables. Je préfère avertir.

La qualité d’écriture est variable et sera appréciée subjectivement. De l’extrême classique, l’on passera ainsi souvent à un style éclaté et moderne. Ainsi, le premier texte, Sur le chemin du retour de Leo Henry est bien choisi pour inaugurer l’anthologie. Après une cinquième mission, les soldats ont droit à une prime intéressante : le droit de tuer qui ils veulent, sans poursuite aucune. Que vont-ils tirer de cet “avantage” ? Nouvelle directe, dure, sans pitié. Et le cycle guerrier se poursuit, dont je ne citerai que les textes qui m’ont particulièrement frappé. Comme Théâtre des opérations de Stéphane Beauverger qui décrit une tournée d’un cirque d’animaux en plein conflit, ou Musique de la viande de Jérôme Noirez, dans lequel un compositeur se voit demander d’écrire une musique qui terrorise l’ennemi. Il mixera les larmes de son enfant, le rotor d’un hélico et le bruit de viande rouge dépecée par ses mains. Remarquable et original. Jean-Michel Calvez, que nous connaissions entre autres par sa contribution initiale au recueil “Flammagories” (Argemmios), décrit dans Guntown une ville en plein désert africain, “une sorte de bidonville à haut pouvoir explosif” : on y vend tout pour la guerre : engins, armes et même enfants-soldats que l’on verra s’entraîner. L’expression “chair à canon” se vérifiera. Assez impressionnant. Le grand talent de Pierre Bordage s’exprime dans Terre promise : une communauté religieuse américaine persécutée tente la traversée de l’Atlantique suite à l’engloutissement de la Californie. Quel sera l’accueil dans l’Europe lointaine ? Texte fort. Quant à Lucie Chenu, elle livre une belle uchronie dans le contexte de la guerre en Yougoslavie : l’alphabet cyrillique est interdit et les anormaux pullulent suite aux bombardements de l’Otan. Dur dur, cette Niche, cabane, ya. L’on passera encore de l’Erythrée (Luvan) au Koweit (Mucchielli) ou à l’Irlande du Nord (Jess Kaan), à un ange exterminateur aux côtés d’un Ange du Pardon (Li-Cam), à des scènes de viols (Charlotte Bousquet) à une mini pièce de théâtre (Quessy).

La lecture continue laissera un goût amer, renforcé par une postface des anthologistes pour le moins curieuse. Non qu’elle exalte la guerre, mais elle garde la distance envers ce phénomène humain, tellement humain. Ni pour ni contre, Assia et Jacquet l’analysent et la comparent aux luttes que mènent les moines “contre leur part d’ombre”. Un livre qui fait trembler, pleurer, réfléchir.

La Guerre, anthologie d’une belligérance, coordonné par Yael Assia et Merlin Jacquet, couv. de Simon Goinard Phelipot, Hydromel auteurs, Paris 2011, 276 p., 17 euros.

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