Destination Mars

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La belle illustration de couverture de Pierre Le Pivain fait déjà s’envoler le lecteur vers ce monde mythique qu’est Mars : une grande faille rouge, un visage sculpté, un vaisseau, une base illuminée… Mars du passé, Mars du futur se chevauchent. Telles seront aussi les douze nouvelles retenues, qui couvrent, tous styles confondus, les nombreux fantasmes qu’évoque la planète rouge depuis E. R. Burroughs ou H. G. Wells.

Douze auteurs contemporains, francophones, partagent leurs visions, lesquelles partent dans tous les sens : steampunk, écologie, thriller, SF pure et dure, même politique, ou poème en prose. Cette variété thématique fait le charme de l’anthologie, qui se lit agréablement, même si certains textes sont moins percutants que d’autres. Précisons que chaque nouvelle est précédée d’une brève présentation, parfois intéressante, parfois non.

Le syndrome martien, de Brice Tarvel, évoque un peu Bradbury, avec ses Martiens en forme de cocottes en papier : mais sont-ce là les vrais Martiens ? L’émergence des vrais Martiens est également le thème central de la nouvelle du Québécois Jean-Louis Trudel, Les sculpteurs de Mars. Deux vieux routiers de la SF française des années 1970 restent fidèles à leur style, Dominique Douay dans Celui qui attend, assez abscons, et Jean-Pierre Andrevon avec Le caillou de Mars, relatant de manière ironico-pathétique le calvaire d’un homme frappé d’une maladie mystérieuse qui décime la Terre entière après la première expédition martienne. L’écriture est superbe. Mars l’ancienne de Gulzar Joby est bâti sur une idée originale : faute de pouvoir emmener ou de fabriquer sur place le carburant de retour, le voyage vers Mars se fera à sens unique. Dès lors, on envoie les vieux, qui iront y mourir… Un peu trop de flash-back et quelques longueurs, tout de même. Le Gaucho de Mars, de Jonas Lenn, conte l’introduction du cheval sur la planète rouge, vue par son initiateur, berger du haras. Bref dialogue entre un pilote et son ordinateur, 118 heures avant la fin d’Hugo Van Gaert ne se distingue pas particulièrement. Tout au contraire, la nouvelle qui suit, Restez chez vous, de Marc Van Buggenhout, est peut-être la perle de tout le recueil. Mars est en pleine exploitation touristique et on attend fébrilement la visite du Ministre. En parallèle se déroule la relation de la première expédition terrienne. Qu’est-ce à dire ? Comment relier les deux ? La révélation intervient au beau milieu du texte, comme une chute anticipée : brillant. Jean-Jacques Girardot est un écrivain versatile et très talentueux, passionné d’histoire et de musique. Sa nouvelle Les chants de Mars, en témoigne. Le début est très steampunk, avec cette rencontre dans la Tour Eiffel de Sarah Bernhardt, Gounod et Edison. La suite est vertigineuse : après six milliards ( !) d’années, une expédition retourne dans le système solaire, les « hommes » ne sont plus que processus électroniques. N’ayant trouvé aucun monde habitable, elle revient et décide de s’implanter sur Mars. On y reconstruira la civilisation (et même la tour Eiffel), aux sons des Noces de Figaro de Mozart. Texte influencé par la chanson Texas de Chris Rea, ainsi que l’explique l’auteur dans une mini-postface.

Les trois dernières nouvelles frappent moins. Aube dernière est un poème en prose de Thierry Di Rollo sur la mort d’une mère. Politique, mais décalé comme toujours, Frank Roger décrit dans Ciel rouge, sable rouge, la tension que subit Anthony Dillinger, président du Conseil de la planète terra-formée, confronté à un attentat terroriste : sa fille milite pour un retour de Mars à la situation d’avant la colonisation. Que faire ? Enfin, Daniel Walther, dont le texte clôt l’anthologie, renoue avec l’histoire en rappelant à la barre John Carter, le héros burroughsien. Mais est-ce bien le vrai seigneur de Barsoom qui gravit la plus haute montagne de Mars ? John Carter versus Olympus Mons se termine tragiquement.

Deux appendices terminent le recueil : un survol de la littérature martienne (Van Buggenhout), puis, une petite étude bien ficelée relative à Mars au cinéma (Andrevon) en deux parties : nous sur Mars, Mars chez nous. Suit une filmographie.

Voilà donc une anthologie variée, intéressante, inégale certes, mais ce défaut est inhérent au genre. Un avant-propos et une préface plus approfondis, plus denses, et exempts d’erreurs (Pellucidar n’est pas Barsoom !) n’auraient pas déparé l’ensemble qui, tel quel, reste de belle qualité.

Interview des auteurs de Destination Mars ici

Destination Mars, anthologie de Marc Bailly, Editions du Riez, 2013, illustration de Pierre Le Pivain, 339 p., 18,90 euros

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