ABEL Barbara 01

Auteur / Scénariste: 

©Marc Bailly - Photo

 

L’imagination au pouvoir ! Et le délire ! C’est un peu ça l’idée des interviews 50/50, avec une moitié de questions sérieuses… et l’autre moitié de questions… qui le sont beaucoup moins !

Cette fois, c’est Barbara Abel qui se prête au jeu. De retour avec Je t’aime, un nouveau roman qui s’invite sur toutes les tables et attire le regard des lecteurs comme des critiques, Barbara répond avec franchise, humour et intelligence à mes élucubrations de fin de nuit.

 

1/ Quasi toutes les interviews commencent par des questions bateau... Moi, c’est plutôt une question voiture, du coup. Si tu étais une voiture, Barbara ? Et dans la foulée si tu devais te réincarner en Transformers/voiture, quel modèle et quel pouvoir tu choisirais ?

Quand j’étais ado, je rêvais d’avoir une 2CV rouge. Donc va pour une 2CV rouge. Je ne suis pas très bagnole. Pour tout te dire, je suis seulement en train de passer mon permis de conduire, c’est dire comme ça me passionne. Mais j’ai décidé de passer le cap, un peu comme un truc qu’il faut faire avant de mourir. Donc un transformer/2CV rouge, c’est tout moi. Un pouvoir ? Rouler, ça me va.  

 

2/ Puisque j’ai commencé par une question « voiture », j’ai le droit de poser une question bateau. (Voix de présentateur radio sérieux) : "Mais dites-moi Barbara, où avez eu cette idée folle, non pas d’inventer l’école, mais de Je t’aime, votre dernier roman ?

Le mystère de l’inspiration… Plusieurs choses m’ont conduite vers cette histoire. D’abord, l’envie d’aborder un thème à l’opposé du style littéraire dans lequel j’écris. Un thriller qui parle d’amour, c’est plutôt rare.

Ensuite, mettre en scène des personnages qui ne sont pas spécialement « méchants », c’est-à-dire qui n’ont pas de perversions cachées, qui ne sont pas de monstrueux psychopathes, qui n’ont pas un passé traumatisant, des secrets honteux, des cadavres dans le placard, etc. Juste des gens qui ont des qualités et des défauts, comme tout le monde. Des personnages auxquels on peut s’identifier sans difficulté.

Enfin, une anecdote personnelle m’a mise sur la voie de cette histoire : j’ai surpris mon fils et un de ses potes en train de faire une connerie. Il se trouve que le pote en question, c’est le fils de ma meilleure amie. Il m’a tellement supplié de ne rien dire à sa mère que j’ai fini par accepter. Quand j’ai vu mon amie, quelques jours plus tard, je me sentais hyper mal. Je n’ai rien dit, mais c’était très compliqué pour moi. J’ai alors perçu le potentiel de tension qui existait dans cette situation (pour info, mon amie est maintenant au courant de tout, j’ai fini par vendre la mèche).

 

3/ Parfois il faut sortir un peu de sa zone de confort hein, dans les interviews... Tu as déjà inventé une recette de cuisine ? Et si non, tu as déjà eu une idée (hors littérature) du genre « Oh, purée, je pense qu’on devrait inventer un système pour manger un dorüm sans s’en foutre partout » ?

Comme je suis nulle en cuisine, je suis très scolaire et je respecte les recettes à la lettre. Donc non, je n’ai jamais inventé de recette. Sinon, si ça t’intéresse, le matin j’aime bien manger un toast avec du miel, des noix et du gouda. C’est une sorte d’invention, ça non ? Concernant une idée hors littérature, je pense qu’on devrait inventer un système pour manger un dorüm sans s’en foutre partout. Je planche dessus actuellement.

 

4/ Dans les articles consacrés à Je t’aime, une partie des journalistes semblent te (re)découvrir. Pour quelqu’un comme moi, qui te suis depuis le début, c’est étrange. Penses-tu que ton écriture a changé ? Que quelque chose a basculé dans ta manière de raconter une histoire ?

Ah, toi aussi tu as remarqué ? Non, je ne sais pas. J’ai fait comme d’habitude. Mon écriture change, sans doute, puisque je change aussi. Je n’écris plus comme lors de mon premier roman, sorti en 2002. J’avais 32 ans, j’en ai aujourd’hui 48, forcément je ne suis plus la même. Apparemment, les retours sont chaleureux, donc je suis ravie.

 

5/ En fait, tes romans mettent en scène le quotidien... Et les conséquences de bouleversement souvent extrêmes sur la réalité de tes personnages. Avoue, c’est parce que tu es paresseuse ? Parce que tu n’as pas envie de te taper deux mois de recherches sur les serial-killers et les méthodes des experts que tu écris ce genre d’histoire ? Hein ?

Exactement ! Les serial-killeries, ça foisonne sur les tables des librairies, et mes collègues et copains auteurs font ça beaucoup mieux que moi. Et puis, ça demande un moral à toute épreuve : mettre en scène ce genre de personnages, ça veut dire que tu passes un an avec un psychopathe ! Très peu pour moi ! J’ai besoin de comprendre et d’aimer (même un tout petit peu) mes personnages. Du coup, je n’écrirai jamais une histoire avec un serial killer ou un pédophile. Pas envie de me frotter à ce genre de trucs glauques, rentrer dans leur psychologie, décrire leurs actes ou, pire, leurs pensées. Et puis, je trouve que le serial killer a bon dos. Tu racontes une histoire avec un serial killer et toutes les dérives sont permises, puisque c’est un serial killer. Ça en devient presque ennuyeux. 

 

6/ J’ai encore une petite place pour une question bateau, au long du quai, alors je vais me faire plaisir : Tu penses les rebondissements de ton roman dans les moindres détails ? Ou tu avances au fil de la plume, quitte à devoir, ensuite, réécrire certains passages pour qu’ils collent avec l’histoire dans son ensemble ?

J’avance au fil de la plume, je découvre l’histoire (presque) en même temps que le lecteur. Ça a des inconvénients, mais ça a aussi des avantages. Par exemple, je pense que si je veux surprendre le lecteur, je dois me surprendre moi-même avant tout. J’ai trouvé des idées grâce à cette manière de procéder que je n’aurais jamais trouvées autrement. Et puis, j’ai l’impression que si je connaissais toute mon histoire avant d’aborder le premier chapitre, je n’aurais plus envie de l’écrire. En tout cas, l’aventure serait moins haletante, et ça se sentirait dans le roman.

 

7/ Dans Je t’aime, tu as fait le choix de « sacrifier » presque le rôle des parents du gamin qui perd la vie dans l’accident du début de roman. Choix réfléchi dès le début ? Ou il existe, quelque part, une version du roman où tu observes, plus en détails, les conséquences de l’accident au sein de cette famille-là, aussi ? 

Ni réfléchi, ni développé dans une version « brouillon ». Ils sont surtout le vecteur d’une vengeance, le bras armé de Nicole. A leur sujet, hormis l’enclenchement de l’action judiciaire, je ne pouvais que développer leur douleur face à l’innommable. Je prends quelques chapitres pour décrire leur souffrance et la façon dont leur calvaire évolue, mais je n’avais pas non plus envie de trop m’attarder sur cet aspect-là de l’histoire. Tout le monde comprend ce qu’éprouvent des parents qui viennent de perdre un enfant, sans qu’il y ait besoin de s’appesantir. Et puis, de plus en plus, j’aime faire participer l’imaginaire du lecteur. Chacun peut imaginer les cases vides que j’ai laissées à l’une ou l’autre étape de la narration ou l’autre, en fonction de son propre bagage émotif. 

 

8/ On sait qu’un de tes romans sera bientôt sur grand écran. Tu as déjà eu l’honneur de l’adaptation télé, mais ça te dirait d’écrire directement pour le petit (comme certains de tes sombres amis de la Ligue de l’Imaginaire) ou le grand écran ? (Ok, j’avoue, celle-là elle est un peu bateau aussi...). 

Oui, bien sûr, même si je sais que ce n’est pas du tout le même exercice. Mais ce doit être intéressant d’écrire une histoire en la traduisant par une narration exclusivement visuelle. Alors que j’aime décrire les émotions de mes personnages et les présenter à travers leur psychologie, je devrais raconter la même chose mais au travers de scènes narratives. 

 

9/ Aaaaahhh ! La question geek. C’est qui le plus fort en combat singulier ? Darth Vador ? Ou Iron Man ?

Mon papa à moi.

 

10/ ATTENTION Question spoiler, à ne pas lire si vous n’avez pas lu le bouquin. Bien compris ? Merci. Vous êtes certains d’avoir lu le bouquin ? CERTAIN ? Ok. J’y vais. A la fin du roman, il y a comme une sorte de « justice » définitive, au cœur de l’épilogue. Encore que... C’est plutôt une vengeance aveugle. Pourquoi es-tu allée jusque-là ? As-tu songé à couper cet épilogue ?

La fin de l’histoire est plutôt violente. L’épilogue était pour moi une façon de redéposer le lecteur plus en douceur (si je puis dire :-D). J’aime bien les épilogue, c’est ma manière de prendre congé de mon lecteur, retarder un peu la séparation. Je trouve qu’ici, elle était nécessaire. La fin en elle-même, trop abrupte, aurait laissé une certaine frustration. Donc non, je n’ai pas songé à couper cet épilogue.

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