Chien 51

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C’est une dystopie cyberpunk presque ordinaire et c’est, aussi, l’histoire d’un homme confronté, des années après, à ses souvenirs et ses regrets.

Le cadre dystopique est une mégasociété financière, Goldtex, qui a acheté et détruit la Grèce, avant d’autres pays. Elle a bâti une mégapole séparée en trois zones, celle des plus riches, celle des employés ou « cilariés » moyens et celle des rebuts abandonnés à la misère. Le personnage principal, Zem Sparak, « chien », c’est-à-dire policier de la zone 3, se souvient de la Grèce qu’il a, vainement, essayé de défendre et de son amour perdu, Lena. Et voila qu’on lui colle une enquête sur un meurtre bizarre et une partenaire-supérieure, policière de la zone 2, Salia Malberg, dont l’origine n’est pas explicitée. Cette enquête va l’obliger à se confronter, aussi, à ses souvenirs.

Il y a donc trois niveaux dans le roman : la description, occasionnelle, du cadre et de l’histoire de Mégapole ; la progression de l’enquête ; et l’évolution du personnage central, dans cette aventure.

Disons que pour le cadre, il ne présente rien d’original, pas même de trait qui serait typiquement grec et le héros pourrait lui aussi venir de n’importe où : Mégapole pourrait être n’importe où, ce n’est pas le sujet du roman.

L’enquête est plus ou moins cohérente, encore que (je ne spoilerai pas le roman en disant ce que je trouve invraisemblable) on peut s’étonner que le « héros » arrive à la terminer… Mais, comme je l’ai écrit plus haut, c’est d’abord son évolution, sa réaction à l’histoire qu’il vit, l’objet essentiel du roman…

Quant à la construction du roman, elle est, comme de plus en plus souvent dans les romans récents, labyrinthique, ce qui transforme la lecture en résolution d’un puzzle. Sur le modèle initié par Dos Passos, fort bien utilisé en science-fiction par John Brunner dans Tous à Zanzibar et parfois utile pour donner de l’épaisseur au roman, celui-ci alterne des points de vue différents, des flashbacks, des digressions. Dans ce roman, comme trop souvent à mon avis, ce labyrinthe, ce besoin pour le lecteur de se transformer lui-même en enquêteur, joue le rôle d’un vernis qui camoufle le sujet au lieu d’aider à la révéler et le lecteur risque de ne retenir du roman que l’effort qu’il a fourni pour le lier et non le ou les sujet(s).

Il est certainement bon que Laurent Gaudé ouvre à la SF une porte de la « littgen ». Même si, pour le lecteur qui a déjà un certain nombre d’œuvres cyberpunk et d’autres dystopies en mémoire, Chien 51 ne sera pas une découverte….

 

Chien 51 de Laurent Gaudé, Actes Sud, Babel n°1958, 2024, 288p., couverture de Xiaohui Hu, 8,9€, ISBN 978-2-330-19414-7

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