Sale bourge

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Pierre passe la journée en garde à vue après que sa toute jeune femme ait porté plainte contre lui pour violences conjugales. Pierre a frappé, lui aussi, comme il a été frappé, enfant.Pierre n’a donc pas échappé à sa « bonne éducation » : élevé à Versailles, il est le fils aîné d’une famille nombreuse où la certitude d’être au-dessus des autres et toujours dans son bon droit autorise toutes les violences, physiques comme symboliques. Pierre avait pourtant essayé, lui qu’on jugeait trop sensible, trop velléitaire, si peu « famille », de résister aux mots d’ordre et aux coups. Comment en est-il arrivé là ?C’est en replongeant dans son enfance et son adolescence qu’il va tenter de comprendre ce qui s’est joué, intimement et socialement, dans cette famille de « privilégiés ».

 

Dans ce court roman, Nicolas Rodier décortique - dissèque même - les mécanismes qui peuvent amener un petit garçon à grandir pour devenir un conjoint violent. En cinq parties (enfance, adolescence, jeunesse, mariage et jugement), il explore la vie de Pierre dans cette famille hautement toxique et dysfonctionnelle, qui affiche vaille que vaille une image aussi bon chic bon genre que possible.

"Il y a un tel écart entre nos principes et nos comportements" résume très bien un des frères de Pierre. Portrait au vitriol de ces familles bourgeoises cathos où la maltraitance tant physique que psychologique fait des ravages chez les enfants. Toute la fratrie en porte les stigmates, plus ou moins visibles, plus ou moins graves. Pierre, lui, ne sachant comment se débarrasser de son histoire, comment gérer sa violence latente, finit par commettre l'irréparable et passe dans le camp des frappeurs, reproduisant ce qu'il a subi.

À travers une série de chapitres courts et percutants, véritables instantanés factuels d'évènements, Nicolas Rodier nous balance en pleine figure ce que peut être le quotidien d'un gosse livré à une telle famille. Son basculement dans la violence conjugale paraît alors logique.

Mais attention, l'auteur ne cherche pas à disculper, justifier ou excuser les coups donnés par ceux reçus. Il n'est pas question ici d'un plaidoyer pour comprendre les hommes qui battent leur femme. Sous la plume à vif de Nicolas Rodier, l'histoire de Pierre ne cherche pas à attirer les larmes ou la compassion, juste à exposer ce qui peut se cacher sous les apparences bourgeoises et conduire au pire. Sans jugement, sans pathos.

Un premier roman glaçant à découvrir.

 

Sale bourge de Nicolas Rodier, J'ai Lu, ISBN 978-2290254370, 7,10 €

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