OEuvres d'humour


Mon très estimé confrère Marc Van Buggenhout vous a entretenus récemment de l’Autodictionnaire Voltaire d’André Versaille, paru chez le même éditeur. Une remarquable préface y précédait une passionnante série de citations thématiques.

L’ouvrage que voici représente son parfait compagnon. Pas de préface cette fois, mais une courte biographie suivie d’un article sur l’arme suprême maniée par Voltaire dans ses combats : l’humour. On parlait alors d’« ironie ». C’est par l’ironie de ses contes, de ses pamphlets, de ses libelles et autres épigrammes que Voltaire minait de l’intérieur la lourde chape qui pesait sur la société de son temps et qui l’empêchait de se transformer en un monde juste et équitable. Il n’a rien épargné, de l’Église à la Justice, de l’autorité royale à la liberté d’expression muselée. C’est en cela qu’il compte parmi l’un des premiers grands intellectuels de l’Histoire et que nos contemporains lui doivent beaucoup. Quand on observe l’état actuel du monde, on se dit qu’il aurait bien besoin d’un nouveau Voltaire !

Sa vie durant, il a voulu, et cru être dramaturge. Ce pan entier de son œuvre - plus de 50 pièces - est tombé dans l’oubli. Sa gloire universelle repose avant tout sur ses romans et contes. Au théâtre, il ne fait que reprendre la tragédie racinienne, en l’assaisonnant de propos philosophiques. Par contre le petit roman, ou le conte, permet, en dehors de toute contrainte formelle, la diffusion du même message, mais de manière plus efficace. Le théâtre racinien ne permet pas l’humour ou le sarcasme, le roman oui. Avec lui, tout est permis. C’est dans ces textes-là que Voltaire affûte sa plume, devient mordant, drôle et percutant. Il n’est pas étonnant, dès lors, qu’il s’y révèle si parlant pour nos contemporains : l’humour ravage de tous temps. Voilà pourquoi on lira et relira Candide, Micromégas, Zadig, L’ingénu, La princesse de Babylone et une foule d’autres. La verve inventive y atteint son sommet.

Cette édition en reprend une quarantaine. Mais elle ne se limite pas à cela. On y trouvera aussi neuf petites pièces de théâtre sans trop de prétention, dont deux livrets d’opéra-comique pour Grétry, mais encore Nanine, plus ambitieuse. L’humour de Voltaire traverse aussi certains textes ouvertement polémiques, telles les Lettres anglaises, « première bombe jetée contre l’Ancien Régime » (1734), dont on trouvera quelques extraits. Écrites suite à un séjour en Angleterre, elles flattent le modèle politique anglais et, par ricochet, attaquent celui de la France de Louis XV.

Trente ans plus tard, Voltaire fait paraître le Dictionnaire encyclopédique portatif, plus connu sous le nom de Dictionnaire philosophique. Ouvrage de combat, il est destiné à véhiculer ses idées très rapidement et s’articule par thème. Son auteur avait le sens du marketing. La présente édition reprend quelques articles : « guerre », « fanatisme », « lois », « torture ». Ce dernier fut écrit sur le coup de la mort du chevalier de la Barre, chez qui on avait trouvé un exemplaire du livre, et qui fut exécuté, avec le livre cloué au corps. Texte exemplaire de la manière dont Voltaire traite un sujet grave sur le mode non pas léger, mais sarcastique, ce qui fait ressortir davantage l’horreur du sujet. Là réside la modernité de Voltaire.

Trois tout petits articles fort drôles terminent cette édition : De l’horrible danger de la lecture, Les questions de Zapata, et La canonisation de saint Cucufin.

Concluons par les mots mêmes du Maître : « Gloire à Dieu et à Saint Cucufin ».

Voltaire, Œuvres d’humour, Éditions Omnibus 2013, 1.108 p., 29,40 €.

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