Voeux 2010 : Pierre Efratas

Peut-on se réjouir d’une année où Alain Bashung s’en est allé rejoindre Vénus et David Eddings la belle Polgara ? Peut-être, en fermant les yeux et en me souvenant du plaisir immense et des larmes que m’a causé le dessin animé « Là-haut ». Il y a belle lurette que je n’avais pas vu un dessin animé aussi beau et autant réussi ! La construction du récit devrait être enseignée aux écoles de scénaristes et de romanciers d’aventure, le récit est émouvant et amusant, drôle et dramatique, véridique et impossible, profondément original et terriblement banal. On s’envole avec une myriade de ballons multicolores vers un rêve éveillé.


Deux mille neuf m’a aussi permis de découvrir quelqu’un d’extraordinaire (je sais, je suis un carabinier d’Offenbach, mais je signale qu’Offenbach a écrit de fort jolies choses). Cette personne hors du commun, c’est Robin Hobb. Je peste, je rage et même je fulmine gris depuis trop longtemps sur l’industrialécriture dans le roman d’aventures pour ne pas m’en réjouir.

L’écriture de Margaret Lindholm Ogden alias Robin Hobb n’est pas un distributeur de boissons avec petit robinet bleu pour la trame convenue et petit robinet rouge pour les outils narratifs, mais une source ténue, vibrante, qui va en grandissant pour donner un ruisseau, des rivières et un fleuve extraordinaire de récits, de légendes, de pensées, d’observations. J’en conseille la lecture pour le plaisir, la réflexion, la satisfaction de la chose bien écrite et peut-être même pour guérir les escarres, allez savoir. Commencez donc par « Le Cycle de l’Assassin Royal », le reste viendra dans la foulée. Oui, si vous avez le spleen, si le gruau insipide des productions lambda vous file le bourdon et même la ruche, si vous voulez retrouver la ferveur qui vous a saisis à travers les pages de Tolkien, Moorcock, Zimmer-Bradley ou Rider-Haggard, lisez Robin Hobb !

Ce qui m’a cassé les pieds, cette année, - et je chausse du 46, mesurez ma détresse -, ce sont les nouvelles du monde. (Dis, Marco, on a le droit d’être fâché et même de parler sociétal ? « Oui, mais pas trop longtemps »). D’accord, mon poto, juste pour vous dire qu’avec son miel ranci tendance Marshmallow parfumé Barbie, la « Journée de la gentillesse » m’a englué les neurones. Si quelqu’un invente "la journée de l’abolition des crétins enfumeurs creux qui inventent des journées de", vous me réveillez et vous me souhaitez une bonne journée, parce que ce jour-là sera un beau jour.

Je suis aussi très inquiet pour nos sociétés issues des Lumières. Les obscurantistes, fondamentalistes, barbus et autres intégristes de toutes obédiences ont donné le la de lamentable aux racistes, aux xénophobes et aux fabricants d’amalgames haineux. Quant à la conscience écologique mondiale que je sentais poindre avec la conférence de Copenhague, à l’heure où je vous écris, j’ignore toujours si nous aurons droit à une grande déclaration d’amour de l’humanité ou à une distribution de mouron pour les petits zoziaux avec en prime désenchantements dédaigneux et sourires gercés.

Je terminerai sur une note égoïste, on ne se refait pas. Entre diverses créations romanesques, j’ai terminé l’écriture de mon deuxième récit viking, « La Saga de Rollon ». Aussi, j’espère que les très bons et fort aimables lecteurs de « Hrólf le Vagabond » (ne pas lésiner sur l’encaustique superlatif) qui m’ont (injustement, c’était pas ma fôte) maudit pendant deux ans vont daigner à nouveau me causer tendrement. En 2010, mon Viking reprendra la mer pour de nouveaux strandhöggs en compagnie de la belle Brynhild et de Gisbert, son également scalde d’époux. De sorte que ce sont des flots doux et diamantins que je souhaite à l’équipe de Phénix d’abord, et à tous ses amis ensuite. Que Thór vous soit favorable, je vous embrasse.

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