Tu as oublié, Annabelle

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​Lille, 2014. Des corps mutilés sont découverts, dans une mise en scène qui rappelle les techniques de tortures médiévales. Devant le sadisme et la complexité de l’affaire, le commissaire Briard décide d’associer deux de ses agents, Sam Starys, nouvellement muté dans son service, et Annabelle Briard, sa fille. La jeune femme, surnommée la femme-araignée par ses collègues, n’a pas un caractère facile et vit recluse, avec les arachnides les plus dangereuses auxquelles elle voue une passion sans limite, négligeant les relations humaines. Dès les premiers échanges, Sam sait que leur collaboration ne sera pas simple. Entre horreurs et secrets, les deux capitaines vont devoir s’entendre pour comprendre et mettre un terme aux supplices qui semblent fasciner la jeune femme.

 

Mon avis

​Comme l’annonce le résumé, le roman se pare d’une intrigue bien piquée et de personnages hauts en couleurs, dont on ne peut nier un développement psychologique des plus ardus. Avant tout, j’aimerais vous parler de l’histoire. Je la trouve tout simplement merveilleuse. Quoiqu’un peu longue à ses débuts, elle nous mène sans mal où l’autrice souhaite nous diriger, sans nous laisser une minute de répit. Au départ, je peinais à avancer dans l’ouvrage, parce que Christelle Colpaert Soufflet prend son temps pour poser le contexte, les protagonistes, l’enquête qui s’entame… On se rend compte de la nécessité de cette mise en place vers la fin qui, je dois l’admettre, m’a tellement fait bugger que j’ai relu le plot twist de ce roman plusieurs fois. J’étais incapable d’exprimer autre chose qu’un O.M.G. venu du fond du cœur. L’histoire est tellement bien menée, de la première page à la dernière, qu’on se demande à quel moment l’autrice a commencé à nous berner, à se servir de nos émotions pour obstruer notre jugement et notre faculté à penser rationnellement.

Par ailleurs, j’ai apprécié les méthodes de tortures utilisées dans le récit… Je vous arrête tout de suite, je n’ai pas aimé ces méthodes à proprement dit, mais la façon dont elles ont été exploitées. La recherche intense de Christelle Colpaert Soufflet se fait ressentir, de la même manière qu’elle se dégage des informations autour des araignées… L’autrice a sûrement passé beaucoup de temps à peaufiner son œuvre, le fil conducteur de son récit, mais surtout, elle a dû passer des heures à se renseigner sur divers sujets pour maintenir la cohérence de son histoire jusqu’au bout. C’est une qualité que j’apprécie beaucoup quand je lis un roman.

 

Si le fond m’a charmée, j’ai eu quelques difficultés avec la plume aux premiers abords. Elle me paraissait simple, parfois trop dans la narration et pas assez dans les sentiments, les émotions, alors que certains passages seraient davantage touchants le cas contraire. Après, cela reste une question de goût ! C’est sûrement parce que, quand je plonge dans un livre, j’aime vivre l’histoire avec les personnages, non me cantonner au rôle de spectatrice. Néanmoins, la fluidité du texte reste présente, capable d’embarquer n’importe qui, en passant d’un adolescent à un adulte, amateur de policier ou non. Après, ce n’est pas une lecture que je conseillerais aux jeunes de moins de seize ans, en raison de quelques thèmes abordés qui sont difficiles, notamment la scarification. Néanmoins, la plume de Christelle Colpaert Soufflet demeure accessible et étonnamment addictive à certains moments.

 

Je ne vous cache pas que sans la dimension psychologique poussée à son paroxysme, l’histoire ne serait pas aussi géniale qu’elle ne l’est. La force de ce roman réside sans conteste dans les personnages qui le parsèment, dotés de forces, de faiblesses et de blessures psychiques à panser. Par exemple, on découvre une Annabelle sombre dans ses pensées, mais aussi dans son comportement. La plupart de ses réactions nous semblent disproportionnées, immatures, indécentes… On ne comprend pas souvent où elle veut en venir, mais tout cela suit une trame logique qui, au moment des révélations, devient plus claire. C’est intéressant de suivre une femme aussi intelligente, passionnée d’araignées, qui manifeste d’un comportement aussi absurde et décalé. Plusieurs fois, j’avais envie de lui foutre des claques, comme Sam Starys, son coéquipier, mais tout ce qu’elle fait, tout ce qu’elle dit est juste logique. À côté, nous découvrons un homme qui doit supporter Annabelle, mais également une enquête différente de celles qu’il a connues jusqu’à présent. Ses nerfs, souvent mis à rude épreuve, le lâchent cependant rarement, ce qui le rend touchant. On sait qu’il a un passif familial compliqué, mais hormis cela, nous ne connaissons pas grand-chose de lui, comme nous en apprenons sur Annabelle. Tout se construit progressivement, comme une écharpe que l’on tricote avec soin. Ces deux personnages se sont trouvés et cette rencontre n’a fait que les rendre scintillants, explosifs…

Comme souligné plus haut, il ne manquait plus qu’une accentuation de leurs émotions et de leurs ressentis, parce qu’en dehors de ça, leur développement s’avère terriblement grisant, les rendant presque réels. Quand je devais continuer ma lecture, je me sentais heureuse à l’idée de retrouver Sam et Annabelle.

 

Et puis, alors que je lisais tranquillement, Christelle Colpaert Soufflet a transpercé ma poitrine de sa main pour arracher mon cœur. Alors qu’il convulsait entre ses doigts, elle s’est amusée à faire du yo-yo avec, jusqu’à s’en lasser, puis elle l’a remis en place, avant de s’éloigner avec le sourire. Oui, c’est comme ça que j’ai perçu sa fin. Oui, j’en suis restée bouche bée, à fixer mon livre, le regard voilé par l’incompréhension, la confusion, la colère, la trahison, la tristesse, la douleur ! Tant de mots pour qualifier le final de ce livre qui sonne comme le glas tragique d’une histoire incroyable…

 

Grosso modo, Tu as oublié, Annabelle est un livre qui se construit sans précipitation, afin de poser une base solide qui prend vie avec ses personnages authentiques et attachants. L’enquête que doivent résoudre Sam et Annabelle nous happe, si bien qu’on réfléchit avec eux, au point de perdre toute notion de la réalité. Si les émotions auraient pu, selon moi, être plus exacerbées, ce livre n’en reste pas moins déjà excellent, doté d’une plume fluide et d’un scénario qui tient la route.

 

Je vous recommande ce thriller policier, les yeux fermés, que vous soyez fans d’araignées ou non. En tant qu’arachnophobe suprême, je peux vous dire que la lecture passe toute seule !

 

Tu as oublié, Annabelle par Christelle Colpaert Soufflet, Livr’s éditions, 312 pages.

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