Sauvagerie et civilisation

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Victor, l’enfant sauvage capturé dans les forêts d’Aveyron en 1799, a suscité l’intense curiosité de ses contemporains. François Truffaut en a tiré un film célèbre, faisant du face-à-face entre Victor et son précepteur, Itard, une scène fondatrice de toute situation pédagogique. Aujourd’hui encore, son histoire fascine.Mais la légende a trop souvent fait disparaître le contexte de sa découverte. Renouant les fils d’une histoire politique et sociale, Jean-Luc Chappey en livre un récit exemplaire. Il restitue ainsi le choc qu’elle produisit dans une société bouleversée par la Révolution française mais convaincue des progrès de la civilisation face à la sauvagerie. L’histoire de l’enfant sauvage, depuis son succès public jusqu’à sa fin misérable et obscure, révèle une page d’histoire, le passage de la République à l’Empire, et l’abandon des idéaux de progrès que les savants avaient su, un temps, incarner.

Je me suis intéressée par ce livre pour diverses raisons : d'une part, ayant effectué un mémoire universitaire en psychologie sur le conflit entre Pinel et Itard à propos du jeune Victor de l'Aveyron, ce sujet ne me laisse pas insensible. D'autre part, étant actuellement doctorante en éthologie (l'étude du comportement animal), le rapport entre sauvagerie et civilisation m'interpelle particulièrement. 

J'ai trouvé que J. L. Chappey apportait une approche intéressante et encore peu abordée sur Victor : l'angle historique. C'est une approche intéressante car elle permet de poser un contexte, de mieux comprendre certaines choses et de reposer certaines perspectives. Cela aide notamment à réaliser pourquoi Victor a joué le rôle d'un symbole dans cette France post-révolution où se sont déroulés les faits, une France dont les idéaux humains de perfectibilité étaient encore intacts. Je ne suis pas une grande amatrice d'Histoire d'une manière générale, mais j'ai trouvé ça très intéressant et bien expliqué. 

J'ai également apprécié cet ouvrage pour une autre raison : dans un livre qui parle de sauvagerie et de civilisation, il aurait été facile de discuter du propre de l'homme (un concept qui n'a pas été scientifiquement établi) et de séparer humanité et animalité. Or ce n'est jamais le cas ici, il semble y avoir un vrai respect pour le monde sauvage et l'animal n'est jamais réduit à une créature instinctive dépourvue d'intelligence.

En revanche, j'ai été un peu déçu par le peu de place qui était laissée au point de vue de Pinel, qui s'est opposé à Itard concernant l'éducation de ce dernier. 

De plus, l'auteur tourne un peu autour du pot tout au long du livre : le contexte historique est bien abordé, mais en définitive on ne parle pas ou presque du parcours de Victor en lui-même, ce que j'ai trouvé dommage car il me semble qu'on pouvait articuler les deux, sans compter que l'histoire de Victor est sensée en être le thème principal. 

 

La conclusion est extrêmement intéressante car elle soulève des questions philosophies et idéologiques actuelles sur notre acceptation de l'autre et notre manière de l'exclure quand il est trop différent de nous. J'ai trouvé dommage que ces idées ne soient abordées qu'à la fin et je pense qu'il aurait été intéressant que ces réflexions soient intégrées au corps du livre. 

 

Enfin toutes les notes de l'auteur se situent à la fin du livre, ce qui est un véritable cauchemar pour la lecture car je n'ai eu de cesse de faire des allers et retours entre les deux. J'aurais préféré qu'elles soient directement en dessous du corps du texte, d'autant que les références bibliographiques sont mélangées avec des commentaires personnels de Chappey. 

 

En définitive, quelques points m'ont dérangée dans cet ouvrage mais dans l'ensemble j'étais contente de l'avoir lu, car il m'a appris beaucoup de choses que j'ignorais et m'a permis de (re)découvrir une page d'Histoire extrêmement intéressante. 

Sauvagerie et civilisation, une histoire politique de Victor de l'Aveyron, écrit par Jean-Luc Chappey, couverture : "Le sauvage de l'Aveyron avec 26 cicatrices tant au corps qu'à la tête" dans J.-M.-G. Itard, De l'éducation de l'homme sauvage, Éditions Fayard

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