Underground

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Ce thriller fantastique, qui n’est pas sans faire penser à « Candyman », fait habilement coexister deux types d’horreur bien distincts, qui se renforcent l’un l’autre. Il s’agit d’une part de l’horreur purement surnaturelle, avec maison hantée et spectres vengeurs à la clef, qui justifie la présence de ce livre dans les pages de « Phénix Web », et d’autre part de l’horreur non moins terrifiante de l’esclavagisme tel qu’il a sévi dans le sud des Etats-Unis (au moins) jusqu’à la Guerre de Sécession. De ce télescopage a priori improbable naît un récit enlevé qui satisfera les amateurs de fantastique ancré dans un contexte historique bien défini.

Tout commence au moment où un groupe d’étudiants idéalistes, qui se désignent eux-mêmes sous le nom d’« Underground » (peut-être une référence discrète à l’"Underground railroad", ce réseau de routes clandestines qui servait aux esclaves américains à se réfugier dans le Nord abolitioniste), se réunit une dernière fois avant d’être séparé par le départ des uns et des autres au sein de diverses Universités, dans les années 80. Ils choisissent Custis Manor pour fêter la dislocation de leur petite cellule contestataire. Cette demeure n’est rien d’autre qu’une ancienne plantation, de sinistre mémoire, qui a vu périr de nombreux esclaves en son temps. Pour ne rien arranger, le patriarche de l’affreuse famille qui possède toujours la demeure s’est adonné avec ferveur à la magie la plus noire, se métamorphosant en une entité maléfique qui hante toujours les lieux plus d’un siècle après sa mort.

Lors de la soirée d’adieu de l’Underground, quelque chose tourne mal. Terriblement mal. A tel point que les membres survivants du groupuscule passent la majeure partie des vingt années qui suivent à tenter d’oublier cette nuit de terreur. Mais ce passé refuse obstinément de se laisser oblitérer et l’une d’entre eux, qu’ils croyaient décédée, revient parmi les vivants pour demander une dernière fois de l’aide à ses amis.

Le groupe se reforme donc tant bien que mal et s’en va libérer les âmes retenues prisonnières dans cette antichambre de l’Enfer qu’est le manoir maudit, de l’autre côté du miroir. Il va trouver sur son chemin toute une flopée d’individus peu recommandables, issus d’organisations telles que le « Ku Klux Klan » ou la « Fraternité Aryenne ». Du combat opposant ces deux factions antithétiques découlera l’affranchissement des malheureux captifs ou la continuation éternelle de leur abominable damnation…


Ce roman de Craig Spector se lit d’une traite (sans mauvais jeu de mot) et ne se révèle à aucun moment ennuyeux ou rébarbatif. Le style est incisif et la langue ne manque pas de ressources. Cette efficacité a toutefois pour conséquence de nous priver de développements - tant historiques que descriptifs ou psychologiques - qui auraient pu avoir leur intérêt narratif en étoffant le pourtour de l’intrigue. En l’état, la conclusion du récit nous laisse un peu sur notre faim. Tout s’achève un peu trop vite et sur un goût d’inachevé – ou pour être plus précis, de « trop tôt achevé ».

Le résultat n’en reste pas moins très distrayant, l’auteur connaissant visiblement son affaire. De surcroît, l’enchevêtrement des deux types d’horreur évoqués ci-dessus est efficace. Il confère à l’aspect surnaturel de l’histoire une assise réaliste qui n’est malheureusement que trop crédible encore de nos jours.

Craig Spector, Underground, Traduction : Benoit Domis, 332 p., Bragelonne

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