Trilogie du retour aux sources (La)

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Voici donc la dernière partie de cette triple "Trilogie de l’Elfe Noir", comme je vous l’annonçais dans ma dernière critique. "Nonalogie" remarquable, et qui restera, je le pense, un jalon important dans l’évolution de la fantasy contemporaine.


Dans ce volet final, tout tourne donc autour de la résurgence du monde de Menzoberranzan, qui n’a jamais pu accepter la "désertion" de Drizzt Do’Urden, et sa fuite vers la surface. Les intrigues qui caractérisaient cet univers souterrain infernal (voir la première trilogie) se catalysent dès lors sur un seul sentiment : la vengeance et, partant, la récupération (= liquidation) de l’Elfe maudit. Dès lors, dans "Les Revenants du fond du gouffre", beaucoup de bagarres à nouveau pour Drizzt et ses amis, contre des gobelins d’abord, puis contre les Drows eux-mêmes. Réapparition aussi du terrible assassin Artemis Entreri, l’ennemi juré de Drizzt. Le roman se clôt tristement, avec la mort de Wulfgar le barbare, le fiancé de Catti-Brie… Quelques superbes exclamations ponctuent le récit, telle : "Placer une espèce au-dessus des autres sous prétexte que c’est la mienne déprécie mes précieux principes. Les fausses valeurs qui inspiraient ma décision n’ont aucun droit de cité dans mon nouvel univers, celui, infini, des différences culturelles et physiques. Ces divergences mêmes rendent mes voyages palpitants, car ils ont pour toile de fond la merveilleuse palette de la beauté universelle" (p. 151-152). À méditer, non ?


Dans "La Nuit éteinte", affolé par la menace constante que représente son monde d’origine, Drizzt Do’Urden décide de revenir seul à Menzoberranzan, pour expier les fautes de son peuple, et assurer définitivement la paix de son nouvel univers. C’est sans compter sur l’affection, puis l’amour de Catti-Brie, qui vole à son secours. À eux deux ils affrontent les mondes ténébreux des maisons souterraines, et de leurs Matrones despotiques. On sent ici la joie de l’écrivain qui retrouve son Menzoberranzan et le décrit avec délectation (la relève de la garde p. 39, par exemple). On retrouve évidemment Guenhwyvar, la panthère astrale, mais aussi Belwar, le gardien-piocheur aux bras en forme d’outils, les Illithids à tête de pieuvre, les étranges "Elémentaux de terre", des minotaures, mais aussi Entreri bien sûr. Drizzt cependant, malgré son origine, tient bon : "Jamais il ne s’habituerait à la férocité de sa race. Et il en était heureux" (p. 141.). Combats finals, explosion générale, et première victoire.


Victoire qui sera entièrement assumée et réussie dans le tout dernier volume, "Les Compagnons du renouveau". Cette fois-ci, c’est l’apothéose, le Crépuscule des Dieux. Matrone Baenre, première Matrone de Menzoberranzan, lance toutes ses forces contre Mithrid Hall, bastion de Drizzt et de ses amis de la surface. Salvatore joue à fond de la magie des noms de héros ou d’armes, tels Zeerith Q’Xorrlarin, Ghenni’tiroth Tlabbar, Bregan D’aerthe, Khazid’hea (qui évoquent C.A.Smith) ou Griffegorge, Cherchecoeur, Courtine Serrepince, Flachecabriole ou Gaspard Pointepique (parfois inversé en "Piquepointe"), qui eux font plutôt penser à Mervyn Peake. L’écriture, très serrée, laisse peu de place à la description : pensée et action défilent à toute vitesse. L’action ? Revenons-y… vite. Minés par les dissensions internes inhérentes à leur société basée sur la violence et la haine, les Elfes noirs seront finalement refoulés, définitivement. Je voudrais terminer sur cette belle et profonde déclaration du héros, à propos de la Foi, cette fois-ci : "Rien de tangible n’étaye la foi. Elle vient du cœur et de l’âme. Requérir la preuve de l’existence d’un dieu abîme la notion même de spiritualité ; le sacré est réduit à la logique" (p. 63). Merveilleuse expression d’une intériorité passionnée qui parcourt tout cet immense cycle de l’Elfe Noir, incontestablement une très grande réussite. Le premier cycle s’impose absolument, par le choc d’une approche nouvelle et révolutionnaire du genre. Quant à l’ensemble, s’il accuse parfois quelques fléchissements, il demeure une de mes plus grandes émotions en fantasy de ces dernières années. Je vous le recommande donc très très chaleureusement.

SALVATORE R. A. : La Trilogie du Retour aux Sources, volume 1 : Les Revenants du fond du gouffre, volume 2 : La Nuit éteinte, volume 3 : Les Compagnons du renouveau, Fleuve Noir

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